Résumé :

Cet article a pour objectif d’étudier la crise économique et financière actuelle, afin de donner un aperçu des implications macro-économiques, financières et sociales de la crise sur le continent Africain, particulièrement sur l’économie tunisienne. Par rapport aux impacts financiers de la crise, les répercussions d’ordre macro-économiques de celle-ci sur l’Afrique incluent des problèmes de ralentissement de la croissance qui dépendent du degré d’exposition au commerce mondial, de l’aide publique au développement, des investissements étrangers et d’autres facteurs. Notre étude suggère aussi que la crise actuelle amplifie dramatiquement les problèmes sociaux (la montée du chômage, la baisse des revenus, la dégradation des conditions de vie…) qui nécessiteraient désormais le besoin urgent d’un effort international unique pour éviter que ce continent ne tombe encore plus dans l’anarchie et la pauvreté.

Mots clés : Crise des subprimes, crise économique, économies africaines, Tunisie.

  

Abstract :

The aim of this paper is to study the economic and financial crisis present to outline the macro-economic, financial and social implications of this crisis on African continent, especially on the Tunisian context. Compared to the financial impacts of the crisis, the macro-economic thereof on Africa include problems of slower growth that depend to the degree of exposure to the world trade, aid official development, foreign investment, and other factors. Our study suggests also that the current crisis dramatically amplifies the social problems (rising unemployment, declining household incomes, deteriorating living conditions…) which now require an urgent need for a unique international effort to prevent this continent sill falls further into anarchy and poverty.

 

Key words : Subprime Crisis, Economic Crisis, African Economies, Tunisia. 

 

 

Enjeux et conséquences de la crise économique et financière États-uniennes sur les économies africaines : Cas de l’économie tunisienne

 

Les crises financières jouent un double rôle. Favorablement, elles permettent de clarifier les dettes impayées et d’éliminer les établissements insolvables soit par fermeture, soit par restructuration et consolidation. En revanche, dans son rôle négatif, les crises financières affectent l’activité réelle provoquant la hausse du chômage et de l’inflation, voire la déflation comme celle aux États-Unis pendant les années 1930 ou celle au Japon pendant les années 1990. Aujourd’hui, la crise débutée au cours de l’été 2007 aux États-Unis avec les premiers défauts significatifs sur les crédits « subprimes »[1] est d’une ampleur particulière par rapport à celles qui l’ont précédée. Partie des Etats-Unis, elle touche en pratique l’essentiel du système bancaire et financier, et pas seulement les crédits hypothécaires octroyés aux ménages américains insolvables. Elle dégage de terribles interrogations sur les avantages et les inconvénients de la titrisation[2], sur le rôle des innovations financières dans le partage des risques entre les marchés et donc leur effet sur la mécanique générale de règlementation bancaire et financière…

La crise actuelle dite des subprimes constitue de toute évidence une crise systémique, elle s’est transformée en une crise économique globale affectant d’abord l’économie originaire de la crise, puis peu à peu celle des autres économies des pays industrialisés et émergents. Malgré l’ampleur des mesures prises dans l’ensemble des pays riches, essentiellement par les banques centrales et les autorités politiques, il est encore impossible d’assurer la stabilisation des retombés de cette crise. La multiplication de déséquilibres à l’échelle internationale n’est que la figure visible d’une crise majeure du système financier international qu’il faut analyser avec précision pour en comprendre à la fois leurs mécanismes et leurs conséquences spécialement pour les acteurs les plus sensibles de la globalisation financière comme l’Afrique.

Le présent article se propose d’analyser le déroulement de cette crise en mettant l’accent sur les conséquences de cette dernière sur les économies du continent africain en général, et sur l’économie tunisienne, en particulier.

L’article est organisé comme suit : la deuxième section sera consacrée à l’anatomie de l’enchaînement de la crise économique et financière internationale. Au niveau de la troisième section, nous essayerons d’analyser les conséquences de celle-ci en Afrique, notamment dans le cas de l’économie tunisienne.

 
 

Les enchaÎnements DE LA CRISE ECONOMIQUE ET FINANCIERE INTERNATIONALE

La crise actuelle : rappel des événements

 

Cette crise financière mondiale est d’abord une grande crise de la finance américaine (Catapanis, 2009). Elle ne trouve pas son origine dans la spéculation financière ni dans l’industrie. Elle est directement liée aux ménages américains et à leur incapacité à rembourser leurs emprunts et ceci, du fait de la réserve fédérale américaine qui a encouragé l’endettement à des personnes peu solvables et à faible garantie par des taux d’intérêt bas ; les charges financières de remboursement étaient au démarrage très allégées pour attirer l’emprunteur.

Des répercussions économiques et financières des attaques du septembre 2001, la réserve fédérale est obligée à diminuer ses taux d’intérêt qui restaient inférieurs à 2 % de l’année 2002 jusqu’à l’année 2004 pour relancer l’économie, ce qui permet par la suite une hausse directe de la consommation, particulièrement sur le marché des crédits hypothécaires.

En plus, cet accroissement de crédit a entraîné une inflation des prix et un déséquilibre économique dangereux. La stratégie pour ralentir strictement l’allocation de crédit, pour cibler l’inflation, se manifeste dans les mesures suivantes :

·    La réserve fédérale des États-Unis a progressivement révisé son taux d’intérêt de 1 % à 5,25 % entre 2004 et 2006 après 17 augmentations successives.

·    Les prix des immobilisations ont commencé à diminuer dans plusieurs régions des États-Unis à partir de l’année 2006.

Par conséquent, les emprunteurs se retrouvent confrontés à une augmentation rapide de leurs mensualités, et les plus fragiles se trouvent incapables de faire face à leurs remboursements. A cet égard, les non- remboursements et les reventes massives des biens saisies s’accroissent. Ce qui accroît l’offre sur le marché immobilier et aboutit de ce fait à une baisse de prix. Les biens saisis sont évalués au-dessous de leur prix initial, ce qui conduit les institutions de crédit à des pertes et dans certains cas à des faillites.
La Fed est donc en partie responsable du déclenchement de la crise actuelle, puisque la remontée des taux d’intérêt directeurs a conduit à des problèmes de remboursements dans les ménages et de nombreux établissements de crédits immobiliers à la faillite.

 

 

Outre la réserve fédérale, les banques d’investissements sont au cœur de la crise actuelle, à la fois parce qu’elles sont les plus touchées, mais aussi parce qu’elles ont joué un rôle important dans les mécanismes qui ont conduit à déclencher cette crise. En particulier, elles ont utilisé la procédure de titrisation des créances pour se refinancer[3]. L’ampleur de la crise et sa propagation s’explique par cette procédure qui consiste à transformer les crédits immobiliers octroyés par les banques en titres de créances émis sur le marché financier qu’un investisseur peut acheter ou vendre à tout moment.

Donc, les banques n’ont pas joué leurs professions principales, elles acquièrent et revendent seulement des crédits à d’autres établissements et à d’autres acteurs par la technique de titrisation de créance. Pour accroître leurs marges bénéficiaires et renvoyer une partie de leurs risques sur d’autres banques, elles cachent la nature de leurs créances. A cet effet, le manque de transparence des établissements bancaires, qui ont cédé des produits complexes, est montré du doigt, pour avoir déclenché une crise de confiance généralisée.

Les agences de notation[4] ont été aussi critiquées puisque d’une part, elles ont un rôle important dans la mécanique des crédits titrisés et d’autres part parce qu’elles jouent un rôle important dans le contrôle prudentiel des banques.

A partir de l’année 2006, les agences de notation avaient été informées que le marché des crédits immobiliers exposait des risques. Malgré cela, elles ont poursuivi à noter positivement les produits financiers, sans certainement s'inquiéter d'une éventuelle crise. Ces agences auraient ainsi sous évaluer les risques exposés par les créances immobilières américaines (c'est-à-dire les subprimes) et ont attendu le printemps 2007 pour attribuer des mauvaises notes à ces actifs. D'où un déséquilibre important du marché qui a entraîné une véritable crise, la crise des crédits hypothécaires dite aussi la crise des subprimes.

 

De la crise des subprimes à la crise financière

 

A cause de ces différents facteurs ainsi que la mondialisation et la globalisation de la finance, la crise s’est propagée hors des marchés des subprimes et hors des États-Unis, affectant d’autres marchés réputés solides et à faible risque. La situation est devenue de plus en plus tendue principalement depuis le début de l’année 2008. Le manque de confiance dans le système financier a entraîné une crise de liquidité bancaire et une chute des marchés financiers. Les institutions financières sont tombées, certaines ont été nationalisées dans un temps record comme celles de Northern Rock et Freddie Mac aux États-Unis, d’autres ont été rachetées par des concurrents comme celles de Merrill Lynch et Bear Stearns, d’autres encore ont brutalement fait faillite, comme Lehman Brothers[5] en septembre 2008.

Partie de la crise locale, la crise des immobiliers à risque (subprimes) est devenue une crise financière généralisée dont la chute de la capitalisation boursière mondiale est évaluée en avril 2009 à 24 000 milliards de dollars. Cette chute qui représente par exemple, 70 % du PIB en France et 60 % au japon et aux États-Unis, correspond au total, à près de 40 % du PIB mondial (OFCE, en avril 2009). De même, les actifs passés en perte à l’échelle internationale sont évalués à 4 000 milliards de dollars (FMI, 2009).

C’est pour remédier à cette situation que les décideurs économiques et politiques ont mis plusieurs plans de relances et de sauvetages à travers l’injection massive de liquidités, la baisse des taux d’intérêt, la réduction des impôts sur les sociétés et l’intervention de l’État dans les principales banques pour réduire et limiter les effets néfastes de cette crise. Ces interventions visent essentiellement à dynamiser et encourager le marché interbancaire et à compenser les grandes pertes sur les marchés financiers. Entre temps, la crise financière s’est répartie à toutes les régions du monde et leurs conséquences sont néfastes pour le commerce, la croissance et les investissements internationaux puisque les banques américaines et européennes ont fortement resserré leurs conditions de crédit. Le risque majeur pour l’économie est celui d’un rationnement de crédit.

 

De la crise financière à la crise économique

 

Bien qu’elle ait apparu initialement dans le marché des subprimes aux États-Unis, la crise s’est progressivement répartie à l’ensemble des marchés financiers et à l’économie réelle (figure 1).

 

 

 

Cette mutation s’explique par l’absence de confiance entre les acteurs du secteur bancaire. Les banques devenant plus en plus averses au risque, elles augmentent le rationnement du crédit aux entreprises. Ces entreprises, n’ayant plus les crédits voulus pour financer leurs développements, détruisent en quelque sorte leurs activités et les obligent à mettre des salariés au chômage technique[6] sinon à les abandonner purement et simplement. La crise actuelle a créé 14 millions de nouveaux chômeurs de par le monde durant l’année 2008. A mesure que la crise s’amplifie, ce nombre augmente – au moins de 38 millions en 2009 (BIT, 2009). L’impact négatif de la crise sur l’activité économique se traduit aussi par la faible demande d’importation. A cet effet, et selon l’estimation de l’OFCE[7], en avril 2009, les importations des pays développés ont chuté de 20 % durant le quatrième trimestre 2008. De ce fait, à la mi-2008, les perspectives de croissance du FMI étaient abaissées pour la zone de l’euro à 1.7 % pour 2008 et 1.2 % pour 2009 contre 2.8 % et 2.6 % pour les années 2006 et 2007. Toutefois, le rationnement de crédit que nous avons évoqué précédemment et les interactions complexes entre les deux sphères financières et réelles font envisager des scénarios sensiblement plus sombres. L’inflation constitue l’un des principaux points de détresse, particulièrement parce qu’elle complique singulièrement la tache de la politique monétaire.

A la mi-juillet 2008, le prix du baril de pétrole est de l’ordre de 140 dollars en moyenne, le prix est doublé par rapport à l’année précédente. Cette augmentation s’explique par les obstacles existants sur l’offre face à une demande mondiale dynamique. L’effet à la fois dépressif et inflationniste de la hausse des prix du pétrole est désormais bien visible dans les économies avancées. Dans les économies émergentes, notamment touchées par l’évolution des prix de produits alimentaires, des contrôles de prix et des subventions ont été émises pour réduire l’impact de l’accroissement de ces deux catégories de biens sur le pouvoir d’achat des ménages. Ces mesures et ces interventions n’ont pas limité la transmission de la hausse des prix énergétiques et alimentaires à l’indice des prix à la consommation (voir figure 2). 

 

 

Figure 2 : Contributions à l’inflation (en %)

Economies avancées                                                           Economies émergentes

Source : BRI, Rapport annuel 2008.


 

La crise financière et économique actuelle qui a été transformée en crise sociale et humaine, ainsi que le choc inflationniste provoqué par l’augmentation des prix des matières premières ne touchent pas seulement les pays développés, mais frappent aussi les pays en voie de développement particulièrement ceux d’Afrique.

 

 

L’Afrique au cœur de la crise Économique internationale

 

Après avoir débuté aux États-Unis, la crise financière a pris une dimension mondiale occasionnant des pertes économiques et financières considérables. Bien qu’elle ait été provoquée par des événements qui se sont produits sur le marché immobilier aux États-Unis, elle s'est répartie sur toutes les régions du monde et leurs conséquences sont néfastes pour le commerce, la croissance et les investissements internationaux. Cette crise aura de toute évidence des implications spécifiques sur les pays en développement et notamment ceux d’Afrique. Elle constitue un revers sérieux pour les pays du continent car elle intervient à un moment où la région était en bonne phase de progression. Les économies africaines, bien qu’elles ne soient pas à l’origine de la crise économique et financière actuelle, n’ont pas étaient épargnés. Elles ont même largement été frappées par les répercussions de cette crise. Plusieurs canaux sont à l’origine de la diffusion de cette crise sur l’Afrique.

 

Les canaux de transmission de la crise en Afrique

 

L’exportation : le continent africain exporte une grande partie de sa production aux États-Unis et en Europe. Une dégradation de la production mondiale affecte négativement les exportations des pays du continent. L’abaissement de ces variables peut entraîner des effets catastrophiques.

L’aide publique au développement (APD) : elle constitue les transferts des ressources accordés par les pays riches (pays industrialisés) aux pays pauvres (pays en développement) pour leur permettre de financer leur développement et d’élever le niveau de vie et réduire la pauvreté. Une crise dans les pays donateurs va donc se traduire directement par la diminution des aides fournies au continent africain.

L’Investissement directs étrangers (IDE) : les IDE indiquent la création ou le contrôle des entreprises, achat de plus de 10 % du capital d’une société…). Malgré leur faible importance dans le continent africain, ces investissements peuvent entraîner une récession du fait de la contraction des crédits dans les pays industrialisés.

 

La crise : quelles conséquences pour l’Afrique ?

 

La crise financière et économique mondiale qui s'est forgée durant l’année 2008 a conduit le monde à un ralentissement général, le plus mauvais depuis la grande récession des années 1930. Les activités économiques dans les pays occidentaux, émergents et en développement ont chuté immédiatement. Ces effets se font encore sentir sur l'économie africaine, et peuvent s’analyser à plusieurs niveaux.  

 

Incidences de la crise sur le secteur bancaire et sur les marchés financiers

La propagation de la crise sur le continent Africain se fait à la fois de façon directe et de façon indirecte. Ses impacts directs se font essentiellement sentir dans le secteur financier. Le risque sur les marchés financiers s’est aggravé dès le début de la crise et les principales places boursières ont connu une baisse importante. Au Nigéria et en Égypte, les indices boursiers ont chuté presque de 67 % entre le premier trimestre 2008 et le premier trimestre 2009 (FMI, 2009). De même, les déficits ont été importants en Zambie, au Botswana et au Kenya. Le choc subi par les marchés boursiers africains a entraîné des répercussions sérieuses sur le secteur financier et la demande globale. Ces désordres ont des conséquences négatives sur la situation des banques, les prêts improductifs ne se multiplient pas, ce qui aura des conséquences néfastes pour la stabilité financière de la région. Au Ghana, la proportion des prêts improductifs durant le troisième trimestre 2008 est passée de 7,9 % à 8,7 % (FMI, 2009).

Jusqu’à maintenant, la faillite des banques a été rare, surtout parce que les banques africaines n’investissaient pas dans les marchés hypothécaires à haut risque. Elles ne sont toutefois pas à l’abri de la contagion financière, car un nombre important d’entre elles appartient à des banques étrangères. La République centrafricaine, la Côte d'Ivoire, la Guinée et la Zambie sont particulièrement exposées à ce risque.

Entre la fin du mois de juillet 2008 et la fin du premier trimestre 2009, à l’exception de la bourse des valeurs mobilière de Tunis (Tunisie) qui n’a perdu que 1,5 % de la valeur de ses actifs, dans plusieurs autres pays, la baisse est allée 24,7 % à 62, 5 % (pour le Maroc la perte était de 24,7 % ; en Afrique du sud : 25 % ; en Côte d’Ivoire : 38,3 % ; au Kenya : 44,5 % ; en Égypte : 55% et au Nigeria :62,5 %),( FMI 2009). Ces pertes de richesse ont été plus graves que les pertes supportées par les investisseurs américains, français ou japonais.

 

Incidences de la crise sur les taux de changes

Dès le début de la crise, les marchés des changes des pays africains ont supporté des grandes pertes. Durant les trois premiers mois de l’année 2009, la monnaie nigérienne (naira) s’est inclinée de 10 % par rapport au dollar, le kwatcha zambien de 13 % et le cedi ghanéen de 14 %. Le tableau suivant (1) présente les variations attendues, en 2009, des taux de change de quelques monnaies du continent. Nous attendons des diminutions très importantes pour la Zambie, le Nigeria, le Congo, le Ghana, Madagascar et pour la Tunisie. Ces dépréciations sont respectivement de l’ordre de 43.4 %, 27.1 %, 23.7 %, 21.1 %, 17.9 % et 17.1 %. La majorité de ces pays ont des dettes étrangères très élevées et la dévalorisation de leurs monnaies par rapport au dollar chargera le service de la dette, ce qui conduit à des difficultés financières supplémentaires. Cette dépréciation a des conséquences inflationnistes (le taux de l’inflation a augmenté de 6.4 % en 2007 ; de 10.7 % en 2008) puisque les importations sont plus chères et les agents économiques ne réagissent pas instantanément à cette hausse des prix – ce qui rend les produits nationaux moins chers à l’étranger.

 

Tableau 1 : Variations des taux de change de quelques pays africains

 

Pays

Dépréciation prévue par

   rapport au dollar en 2009

(en %)

 

Zambie

 

43.4

Nigeria

27.3

République dém du Congo

23.7

Ghana

21.1

Ethiopie

19.8

Madagascar

17.9

Tunisie

17.1

Kenya

16.5

Mauritanie

14.3

Botswana

13.5

Guinée

13.1

Maroc

11.4

Mozambique

10.7

Source : Statistiques retenues de l’Economist Intelligence Unit (EIU).

 

Incidences de la crise sur les échanges commerciaux

La crise économique et financière États-uniennes a également des conséquences négatives sur les échanges commerciaux des pays de l’Afrique. Les exportations des produits de base ont été les principaux moteurs de la croissance pour de nombreux pays africains (Louis et al., 2009). Les prix des principaux produits exportés par les pays de ce continent ont fortement chuté dès la deuxième moitié de l’année 2008. Par exemple, les cours des quatre grands groupes de produits d'exportation ont diminué depuis le deuxième semestre 2008. . Le produit le plus affecté est le pétrole brut, dont le cours a diminué de plus de 50 % entre le début de l’année 2008 et le début de 2009. Les produits alimentaires accompagnent la tendance qui se situera autour de 20 %, ce qui apaisera l’effet de la crise actuelle dans les économies africaines notamment la charge sur le budget de l’État et la balance des paiements[8]. Les cours du café, du cuivre, du coton et du sucre ont perdu plus de 20 % durant la même période. A cet effet, Kerdoudi (2009), suggère que la baisse des cours des matières premières va se reproduire par une diminution de revenus de 15 % au Niger, de 16 % au Congo, et de 20 % au Tchad.

De même, la capacité des exportations du continent a aussi diminué à cause de la crise financière. Le ralentissement économique dans les trois grands marchés d'exportation (États-Unis, Europe et Chine) a un impact sur la demande des produits du continent. En termes réels, l’accroissement des exportations de l’Afrique est passé, entre 2007 et 2008, de 4,5% à 3%. De même les importations ont passé de 14 % à 13 % durant la même période (voir tableau 2). Bien que les statistiques de l’année 2009 ne soient pas encore disponibles, les anticipations ou bien les prévisions de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) indiquent que le volume des échanges internationaux devrait être baissé de 9 % en 2009.

La chute des prix des produits de base et des capacités d'exportation a entraîné une diminution des recettes d'exportation des pays africains. Par exemple, les recettes du café au Burundi ont chuté de 35 % entre octobre et novembre 2008. En Angola, les recettes d’exportations devraient baisser, en 2009, de 66 à 23 milliards de dollars ; en Côte d'Ivoire, de 10 à 7 milliards de dollars. La diminution attendue des recettes d'exportation constituera un obstacle pour les pouvoirs publics pour rémunérer l'importation des facteurs de production dont ils disposent et donc diminuer les effets néfastes de la crise sur l'économie.

 

Tableau 2: Commerce de marchandises (variations annuelles en %)


 

Exportations

Importations

2006

1,5

10

2007

4,5

14

2008

3

13

Source: OMC.

Incidences de la crise sur le développement social

La crise financière mondiale couplée par la crise alimentaire a des effets néfastes sur le monde entier, particulièrement pour les pays en développement. L’évolution des prix alimentaires a des répercussions négatives sur la stratégie de réduction de la pauvreté et peut frapper les progrès réalisés par plusieurs des pays en développement, notamment ceux de l’Afrique.

En effet, ce ralentissement économique se traduira d’un coté, par un déficit de la balance commerciale et de la balance des paiements et par la montée du chômage et de la pauvreté en Afrique, essentiellement pour l’Afrique sub-saharienne qui a connu une forte croissance entre les années 2000 et 2007 (Macias et Massa, 2009). A cet égard, Bradlow (2008) suggère que les pays de l’Afrique devront suivre les réformes réglementaires adoptées par l’Afrique du Sud et le Ghana et les institutions de microfinances à travers le monde pour élargir l’accès des pauvres aux services bancaires et financiers. Il ajoute que ces réglementations devraient encourager les efforts visant à apporter un appui financier des services aux pauvres qui soient conformes aux meilleures pratiques internationales.

Par ailleurs, nous pensons que la baisse des aides publiques au développement va avoir des conséquences négatives sur la santé et sur l’éducation car des nombreux projets dans ces domaines sont financés par les pays développés. De même, la crise financière peut procurer une crise politique. Une question lancinante se pose : Que peuvent faire ces États dans ces conditions ?

 

La Tunisie est-elle à l’abri de la crise économique et financière  internationale ?

 

L’année 2008 est caractérisée par une conjoncture économique internationale très pénible : une forte instabilité des prix des matières premières et une crise financière internationale grave qui a entraîné la faillite de plusieurs institutions financières à l’échelle mondiale. Cette crise a provoqué un mouvement de panique qui s’est diffusé d’une place financière à l’autre.

La Tunisie, s’est trouvée emportée dans ce mouvement, elle en a subi les conséquences directes sur le marché boursier au cours du quatrième trimestre 2008. A cet égard, il faut distinguer l’impact direct et l’impact indirect ou à terme.

 

Conséquences de la crise sur le marché financier tunisien

Malgré le ralentissement économique et financier international de 2008, le marché boursier tunisien a enregistré sa sixième année successive de progression. Le TUNINDEX[9] a fini l’année avec une hausse de 10,65 % (contre une variation de – 21.07 % au Maroc avec son indice phare MSI et une variation de – 56.43 % en Egypte avec son indice CASE30) soit la deuxième meilleure performance mondiale et la première performance arabe (voir tableau 3). Cette performance reste un exploit pour la bourse tunisienne surtout dans un contexte de dépression généralisée.

 

Tableau 3 : Performance annuelle du TUNINDEX (entre 2005 et 2008)

Indice         

2005

2006

2007

2008

TUNINDEX            

 

 

 

 

Plus haut

1630.77

234 3.38

2712.23

3418.13

Plus bas

1304.78

1623.87

2436.94

2621.91

Performance de l’année

21.27%

44.33%

12.14%

10.65%

Source : Bourse des valeurs mobilières de Tunis (BVMT).


La performance du marché boursier tunisien s’est réalisée en trois phases (voir figure 3):

 

Phase 1 : en début d’année 2008, la hausse du marché boursier reste alimentée par l’anticipation des bons résultats de l’année 2007. Le TUNINDEX atteint au mois de juin un nouveau record, soit une progression de 16,7 % par rapport au début de la même année, avant de s’incliner légèrement au début du mois suivant.

 

Phase 2 : dès le début du mois d’août, le marché boursier tunisien est caractérisé par l’introduction de Poulina Group Holding en bourse, la plus grande capitalisation du marché. Au début du mois suivant, l’indice TUNINDEX atteint son plus haut niveau réalisant ainsi une performance de 30,4 % par rapport au début de l’année. Cette hausse est due principalement à l’introduction de cette dernière organisation en bourse.

 

Phase 3 : la succession des chocs financiers sur le plan international et la sortie massive de fonds d’investissement étrangers a entraîné une phase d’inquiétude et de baisse des cours. Malgré l’intervention étatique, par le lancement de deux fonds de 50 millions de dinars tunisien chacun, la bourse a continué malheureusement à perdre son essor du début de l’année en finissant l’année avec une performance de 10,65 %.

 

Figure 3 : Evolution annuelle du TUNINDEX


Source : La Bourse des valeurs mobilières de Tunis (BVMT).


 

L’impact de la crise sur le secteur bancaire tunisien

Jusqu’à présent, les répercussions de cette crise sur l’économie tunisienne se sont limitées à la sphère réelle. Les banques tunisiennes ne sont pas touchées par la crise, car ces banques sont petites et n’ont pas forcément beaucoup d’expertise pour entrer dans les nouveaux instruments financiers. La banque reste dans tout ce qui est traditionnel. La banque centrale administre les banques et contrôle les opérations traditionnelles financières et d’investissements. Les instruments financiers les plus sophistiqués n’ont pas une existence véritable ou très remarquable dans le marché tunisien.

Durant le premier trimestre 2008, le total des actifs des banques côtées a affiché une croissance de 6,6 % à 34 218 MD contre 32 093 MD à la fin de 2007. En outre, le Produit Net Bancaire de ces banques a annoncé une augmentation de 13,4 % au premier semestre 2008 à 735,9 MD contre 648,7 MD au premier semestre 2007. Ceci étant, la progression la plus notable est sur le plan du résultat net puisque le profit net total des banques étudiées est passé, sur la période juin 2007- juin 2008, d’un déficit de 38 MD à un bénéfice de 152 MD (voir tableau 4).

 

Tableau 4 : La performance des principales banques tunisiennes

au troisième trimestre 2008

en MDTN

Total des actifs

en 3T

Total des dépôts

en 3T

PNB

 

2007

2008

Var

en %

2007

2008

Var en %

2007

2008

Var

en %

AB

2765.3

3073.3

11.1

52.2

59.2

13.4

10.1

17.3

72

ATB

2742.6

2765.0

0.8

45.8

51.8

13.0

8.4

13.2

57

ATTIJARI BANK

2362.9

2665.2

12.8

48.1

60.5

25.9

0.2

16.4

 7765

BIAT

4834.9

5207.9

7.7

110.1

125.3

13.8

10.3

12.0

16

BH

3925.9

4238.2

8.0

78.8

90.0

14.2

18.7

27.9

49

BNA

50517.7

5111.1

1.2

88.0

98.3

11.7

10.0

15.3

52

BT

2065.2

2374.0

14.9

57.6

63.8

10.7

24.3

28.0

15

STB

5102.0

5149.9

0.9

91.7

100.8

9.9

11.9

12.5

5

UBCI

1505.3

1709.3

13.6

40.3

45.9

13.9

9.8

12.8

31

UIB

1737.7

1924.4

10.7

36.2

40.4

11.7

-142.5

-3.2

98

 

 Source : états financiers des banques, MAC sa (intermédiaire en bourse).

Cette performance a été poursuivie sur le troisième trimestre 2008 puisque le Produit Net Bancaire cumulé des banques cotées a été en accroissement de plus de 13 % par rapport à la même période de l’année 2007 (Tableau 5). Les crédits et les dépôts ont aussi été en progression respectivement de 17,3 % et 13,4 % sur les trois premiers trimestres de l’année. La progression la plus notable, par chaque banque, en termes de collecte de dépôts a été réalisée par la Banque Tunisienne (BT). Cependant, la BT a annoncé le taux d’accroissement des crédits le plus faible sur la période. Par ailleurs, l’Arab Tunisian Bank (ATB) s’est trouvé dans le cas contraire puisque le taux d’accroissement de collecte des dépôts n’a été que de 0,8 % alors que les crédits accordés sur les trois premiers trimestres ont progressé à une cadence beaucoup plus soutenu de 25,8 %. En termes de classification, c’est aussitôt la Banque Internationale Arabe de Tunisie (BIAT) qui a le total des dépôts les plus importants du secteur et elle a la place numéro quatre dans le secteur en ce qui concerne l’octroi des crédits après les banques publiques. En ce qui concerne l’évolution du Produit Net Bancaire, la majorité des banques ont annoncé un taux d’accroissement à deux chiffres confirmant la bonne santé du système bancaire tunisien.  

 

Tableau 5 : La performance des principales banques tunisiennes

au troisième trimestre 2008

en MDTN

Total des actifs

en 3T

Total des dépôts

en 3T

PNB

 

2007

2008

Var en %

2007

2008

Var en %

2007

2008

Var en %

AB

2015.7

2246.1

11.4

2072.3

2437.4

17.6

81.1

91.3

12.6

ATB

1214.7

1528.2

25.8

2241.7

2259.3

0.8

70.1

82.0

16.9

ATTIJARI BANK

1700.4

1911.8

12.4

1941.6

2327.3

19.9

77.9

94.1

20.8

BIAT

3043.7

3295.3

8.3

4096.8

4896.4

19.5

162.3

188.1

15.9

BH

3067.6

3311.2

7.9

2443.5

2766.5

13.2

120.2

133.9

11.5

BNA

3881.1

4359.6

1.3

3630.1

3931.0

8.3

132.5

149.9

13.1

BT

1662.6

1708.1

2.7

1419.8

1831.6

29.0

85.7

94.2

9.9

STB

3822.7

4085.8

6.9

3608.5

3756.7

4.1

137.2

145.8

6.3

UBCI

1079.0

1209.9

12.1

1073.2

1300.9

21.2

60.2

69.0

14.5

UIB

1309.4

1556.5

18.9

1617.3

1862.6

15.2

54.3

62.0

14.1

     Source : Indicateurs d'activité des banques, MAC SA.

L’impact de la crise sur le secteur d’exportation

Selon les statistiques de l’INS (Institut national de la statistique) de janvier 2010, nous avons remarqué que les exportations tunisiennes en 2008 ont augmenté par rapport à l’année précédente de 4401.7 MD ; alors que les chiffres de l’année 2009 montrent une réduction de 4167 MD (21 %) par rapport à l’année 2008. Ceci pourrait être expliqué par la baisse du pouvoir d’achat et de la consommation en Europe. En plus, le ralentissement de la croissance mondiale aurait un impact sur les exportations tunisiennes notamment dans le secteur de l’automobile.

Le secteur de la mécanique et de l’électrique est le premier secteur exportateur avec 26 % du total des exportations. De plus, les exportations de ce secteur ont augmenté de 18.5 % en 2008. L’économie tunisienne est une économie de sous-traitance, or avec la baisse des commandes et de la production industrielle en Europe, cela se répercute sur le marché de l’emploi et sur les industries manufacturières de manière directe. Un simple exemple : toute la branche automobile a enregistré en moyenne une baisse de production de l’ordre de 25 % en Europe, cela entraîne de manière directe une baisse de la production en Tunisie dans toute la branche de sous-traitance. De ce fait, on remarque que les statistiques de l’INS (2010) du secteur de mécanique et d’électricité de l’année 2009 montrent une baisse de 230 MD (4 %) par rapport à l’année précédente, bien qu’il ait connu une augmentation de 1035 MD (20 %) entre 2007 et 2008.

 

L’impact de la crise sur le secteur du tourisme

Le tourisme constitue un secteur stratégique en Tunisie en raison notamment de son impact sur la croissance économique. Il représente également le deuxième plus grand employeur du pays après l’agriculture et emploie près de 16.6 % de la main-d’œuvre tunisienne avec plus de 500 000 emplois en 2008. Le tourisme contribue directement à près de 7 % de l’ensemble du produit intérieur brut (PIB). En dépit du ralentissement de ses marchés européens, ce secteur a montré une croissance régulière en 2008 avec des recettes record – ceci se justifie par l’augmentation du nombre des entrées mensuelles des non-résidents (une augmentation de 283 500 touristes) en 2008. De ce fait, les chiffres officiels publiés au mois de décembre 2008 ont montré que les recettes touristiques de la Tunisie ont augmenté de 9 % sur un an pour atteindre environ 2 milliards de dollars en 2008. Selon l’ONTT (l’Office national du Tourisme tunisien), cette croissance est due essentiellement au bon comportement du marché français qui a augmenté de près de 7 %. De janvier à novembre 2009, la Tunisie a enregistré l’entrée de 6 494 900 touristes, en diminution par rapport à la même période de l’année précédente. Les nuitées se sont inscrites aussi dans la même tendance avec un recul de près de 10 % selon les statistiques de l’industrie touristique en Tunisie.

Selon le ministère du Tourisme tunisien, et durant la même période, le niveau des recettes du secteur a atteint 3.21 milliards de dinars contre 3.3 milliards de dollars en 2008. Le ministre affirmait alors :

 

« Nous pensons que les recettes devraient augmenter de 2 % et le nombre de touristes baissé de 2 % pour l'ensemble de l'année de 2009. Cette hausse des recettes, malgré une baisse du nombre de touristes, signifie que le taux de dépenses des touristes a augmenté ».

 

Il y a donc bien une hausse prévue des recettes du secteur touristique malgré la crise financière internationale.

 

 

Discussion

 

Généralement, on peut dire que jusqu’à maintenant, les répercussions de la crise n’ont pas eu d’impacts directs sur l’économie tunisienne. Les facteurs déclencheurs de la crise et sa diffusion en Europe ne se sont pas complètement manifestés en Tunisie : les prêts pour les logements sont absolument réglementés et les banques tunisiennes ne fonctionnent pas sur les investissements étrangers (particulièrement les subprimes). La Tunisie a tiré les leçons de ce qui s’est passé aux États-Unis pour les crédits hypothécaires à risque, elle s’est orientée dans une tendance sur les taux fixes et vers un prolongement de 15 à 25 ans pour la durée des crédits logements octroyés par la BH (Banque d’habitat) permettant ainsi de protéger la capacité de remboursement des emprunteurs et échapper au risque éventuel d’accroissement des taux d'intérêts.

De ce fait, le secteur bancaire tunisien est même en situation de surliquidité. Selon ce que l’on appelle le Fitch ratings[10], le secteur bancaire tunisien reste largement éloigné de la crise économique et financière internationale et les répercussions négatives de celle-ci sur les banques devraient être très réduites. Selon ces estimations du Fitch ratings, une éventuelle contamination pourrait être de nature macro-économique, car il est très probable que le PIB des pays de l’Europe (partenaires essentiels des économies de l’Afrique du Nord) connaisse une chute brutale en 2008 et 2009. De même, les estimations du FMI indiquent que la crise financière et la récession économique internationale qu’elle a procurées auraient des répercussions modérées sur l’accroissement des PIB nord-africains en 2008 et 2009. Cependant, l’incertitude demeure quant à la capacité de ces économies à résister solidement à une récession économique mondiale qui perdure.

Ce qu’il faudrait redouter en revanche, c’est l’impact indirect de la crise, c'est-à-dire les conséquences d’une conjoncture internationale difficile. De ce fait, lorsque l’économie internationale entre dans une période de récession, son impact sera direct sur l’économie tunisienne, puisque notre économie est ouverte sur l’extérieur, et à long terme aucune économie ne peut donc être à l’abri de cette crise qui a finalement beaucoup de similarités avec celle de 1929. Certains économistes soutiennent cependant l'idée que la récession économique et financière n'aura que peu des conséquences sur les conditions de vie des Tunisiens (suite à l’évolution des prix de l’alimentation), sur les salaires et les emplois.

Quant à l'évolution du flux des IDE, le risque existe de voir des entreprises qui avaient l'intention de s'installer en Tunisie déplacer leurs investissements. D'autre part, dans une situation de récession généralisée, des produits comme le phosphate, les dattes, le textile, etc. pourraient se trouver en crise, suite à la réduction des demandes étrangères. Ainsi les touristes, notamment les européens, confrontés à une diminution de leur pouvoir d'achat, viendront moins en Tunisie. A ce sujet, le FMI prévoit pour la Tunisie une croissance de 5.5 % en 2008 et de 5 % en 2009 (contre 6.3 % en 2007). Ce freinage est immédiatement impacté par le ralentissement en Europe.

Nous pensons aussi que la principale source d’incertitude pour un pays comme la Tunisie reste d’ordre social.

Face à la croissance démographique, les progrès économiques de ces dernières années sont encore insuffisants pour réduire d’une manière significative la pauvreté. Ils sont aussi insuffisants, face à l’évolution du nombre des actifs, pour réduire le taux de chômage qui dépasse encore les 14 % et touche essentiellement les jeunes diplômés et les qualifiés. L’inadéquation entre la formation et l’emploi des jeunes diplômés reste encore un problème sérieux pour le pays notamment dans ce désordre mondial.

 

 

Conclusion

 

La crise financière États-uniennes qui a débutée sur le marché des crédits hypothécaires (crédits subprimes) pendant l’été 2007 s’est propagée à tous les marchés financiers et a terminé par toucher l’économie réelle en 2008 et 2009 et voire en 2010. La crise financière s’est peu à peu étendue à l’économie réelle via trois principaux facteurs. D’abord, la crise financière a entraîné une crise de confiance qui affecte l’ensemble des agents économiques : les banques refusent de se prêter entre elles ; les ménages, par peur du chômage, augmentent leur thésaurisation de précaution. Ensuite, l’accès au crédit est devenu plus onéreux et plus difficile : les banques, confrontées à un risque de défaut aggravé, font payer plus cher leurs clients, voire même refusent de leur prêter. La restriction de crédit et la crise de confiance ont une incidence négative sur l’investissement des entreprises et des ménages. Enfin, la diminution de la demande entraîne une détérioration du commerce mondial, diffusant la crise à l’ensemble des économies du monde.

Il va de soi que la récession économique dans les pays riches dominants et dans les pays émergents, aura des répercussions dramatiques sur le développement économique et social en Afrique, notamment pour l’Afrique sub-saharienne (des entreprises en difficulté, la montée brutale du chômage, la dégradation des conditions de vie suite à l’évolution des prix des biens alimentaires et la baisse des pouvoirs d’achats…).

Par contre, dans la région de l’Afrique du Nord, les politiques de crédit prudentes, la faible incorporation internationale du secteur financier ont suffisamment contribué à protéger les établissements financiers des implications de la crise des crédits hypothécaires à risque (crédits subprimes). En Tunisie, par exemple, les banques nationales n'ont pas été touchées par la restriction du crédit au niveau international et elles ont continué de faire circuler le crédit dans l’économie.

Mais ce qu’il faut redouter c’est que cette crise actuelle soit avant tout, d’abord, une crise de liquidité et de financement ; ainsi, plusieurs institutions financières, particulièrement les banques de certains pays du continent, vont être affectées et elles ne pourront pas obtenir de crédits de la part de leurs partenaires occidentaux. Ensuite, la crise actuelle peut affecter négativement l’aide publique au développement et les IDE pourraient en souffrir (Kassé, 2008). De même, cette crise peut aussi entraîner la chute du dollar : les matières premières étant cotées en billets verts, une diminution de leur cours va entraîner une baisse du revenu des entreprises productrices, qui sont en général publiques. La question reste posée de savoir ce que peuvent faire les politiques économiques africaines dans ces conditions – puisque la stabilité macro-économique, sociale et les croissances soutenues vers les objectifs de développement ont une importance indispensable pour le continent…

 

 

Références bibliographiques

Aglietta Michelle, « Comprendre la crise du crédit structure », La lettre du CEPII, n° 275, février 2008.

Bradlow Daniel, « International Financial Reform and Africa: What is to be done? « , Foreign Policy in Focus, 2008.

Cartapanis André, « La crise financière, ses causes, son déroulement, ses conséquences. Quelles leçons ? », Journée d’étude de l’OFCE Paris, p.2-3, 2009.

Macias José Brambila, Massa Isabella, « The global financial crisis and sub Saharan Africa: The effects of slowing private capital inflows on growth« , Working paper n° 304, June 2009.

Kasekende Louis, Ndikumana Léonce et Rajhi Taoufik, « The impact of the global financial and economic crisis on Africa« , Working Paper Series No. 96, Mars 2009.

Kassé Moustapha, « La crise financière : comment et quels effets sur l’Afrique ? », Journal Sud Quotidien n° 4644 et 4645, 2008.

Kerdoudi Jawad, « Les pays en développement, plus grandes victimes de la crise », Le Rotarien, p.16, 2009.

 

Autres documents

Banque Africaine de Développement, 2009, L’effet de la crise financière mondiale sur l’Afrique.

Banque des Règlements Internationaux, 2008, Rapport annuel.

Fitch Ratings, 2008, Exposition des banques nord africaines à la crise mondiale des marchés financiers : pourquoi leur risque de contagion est limité. Rapport spécial, novembre.

Font Monétaire international, 2009, Impact de la crise financière mondiale sur l’Afrique subsaharienne, FMI Division des services multimédias.

Font Monétaire international, 200. Global Financial Stability review.

 




[1] Les crédits « subprimes » sont des crédits accordés à une clientèle peu solvable moyennant un taux d’intérêt élevé pour compenser le haut risque. Ces crédits sont caractérisés par un taux  révisable après un taux fixe promotionnel.

[2] La titrisation est une opération financière pratiquée par les banques et qui consiste à transformer les crédits immobiliers accordés par les banques en titre de créance (obligations) qu’un investisseur peut acheter ou vendre à tout moment. Les investisseurs qui achètent ces titres reçoivent les intérêts versés et les remboursements effectués par les emprunteurs initiaux. De ce fait, le financement et les risques attachés aux crédits (notamment le risque de défaillance de l’emprunteur) sont portés par les investisseurs avec leur propre capital et non plus par la banque à l’origine de crédit.

[3] Aux États-Unis, la technique de titrisation, qui a vraiment démarré à partir des années 1980, a gagné pratiquement toutes les catégories de créances (crédits automobiles, crédits étudiants, cartes de crédits…).

[4] Les agences de notation internationales sont des entités commerciales qui ont pour mission l’évaluation des titres émis par les banques, les investisseurs et les gouvernements. Cette évaluation permet de refléter les risques associés aux titres émis et de vérifier la solvabilité de l’émetteur.

[5] La quatrième banque d'investissement aux Etats-Unis
[6] Le chômage technique est  une diminution forcée du temps de travail des employés dans une année civile à cause de soucis de commandes, de pertes d'argent ou de crise économique.
[7] L’Observatoire français des conjonctures économiques est présidé par Jean-Paul Fitoussi, professeur des universités à l'Institut d'études politiques de Paris.

[8] Voir notamment : Banque africaine de développement (2009).  L’effet de la crise financière mondiale sur l’Afrique.

http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/BAD%2096%20Fran%C3%A7ais.pdf.
[9] Le principal indice de la Bourse des valeurs mobilières de Tunis (BVMT).
[10] Le rapport de Fitch intitulé Global Economic Outlook est disponible sur le site www.fitchratings.com.