Esprit critique > Hiver 2006






















 

 

 

Résumé

 

Le sens de cette production est fondé sur une expérience de
« praticien / formateur / chercheur », enracinée à une
« culture terrienne » (A. Peretti de, 2005) et à la pratique
d’une autoréflexion éprouvée et enseignée. Cette autoréflexion est reliée
à un parcours professionnel d’enseignant, formateur, chercheur à
l’université. Paradoxalement, cette pratique s’exerçant en-soi-même, sur soi-même, est aussi réfléchie et
promue à l’adresse des adultes qui (se) forment et que nous accompagnons
dans ce contexte. Se former et former traduisent le sens qui émerge du
système de formation qui se construit dans l’interaction des formés aux
formants, et récursivement, dès lors que cette interaction est finalisée
par l' »intentionnalité » [1] à se projeter ; c’est-à-dire
l’intentionnalité pour laquelle la production de savoirs demeure pour les
uns comme pour les autres la cheville ouvrière d’une
« autoformation » (G. Pineau, 1986, p.129-146). Fondé sur
l’action, la formation et la recherche, ce système de formation
crée les conditions d’émergence de « connaissances
actionnables » (D. Schön, 1983), ou de
« connaissances-processus« , au sens de
J. Piaget (1967).

 

Mots clés:

 

Autoréflexion, Action-recherche,
Engagement, Distanciation, En-soi-même

 

Summary

 

The meaning of this work
is based on an experience of “practitioner/trainer/researcher which
takes its roots in a “down-to-earth culture” (A.Peretti de,
2005) and on a practice of proven and taught self-reflection-analysis.
This self-reflection-analysis is linked with a professional career as a
teacher, trainer, researcher at university. Paradoxically, this practice
being exercised on oneself and within oneself, is also reflexive and
assists the development of adults who are training themselves and whom we
are accompanying in this context. Training someone and self-training
translate the sense that emerges from the system of training which
comprises of the interaction between trainers and trainees with
recursiveness on the condition that this interaction is completed by the
” willingness” to project oneself in the near future :that is
to say, the intention of doing for which the production of knowledge
remains for the trainer and the trainee the root of
“self-training” (G. Pineau, 1986, p.129-146). Based on
action, training and research, this system of training creates the
condition for the emergence of “pragmatic knowledge”
(D.Schön, 1983), or the “knowledge-process” in the
“kowledge within action” meaning of J. Piaget (1967).

 

 

Introduction

 

L’action de (se) former,
autant que d’être formé, fournit le sens de notre contribution. Celle-ci
cherche à poser la fonction autoréférentielle aux origines de laquelle
s’exerce l’action de connaître. En effet, connaître, autrement dit
« naître avec », place le sens comme faculté incarnée dans
l’humain. Dans une perspective constructiviste et avec J. Legroux (1981), nous situons la connaissance
s’actionnant aux origines de l’humain, l’information comme « donnée
quantifiable » de l’environnement, et le savoir se construisant à
l’interface de la connaissance et de l’information. Une telle position
invite à considérer l’interaction entre l’expérience, l’art
et la science en formation. On fait l’hypothèse qu’il s’agit ici de
comprendre les processus actionnés contribuant à l’émergence des savoirs,
d’une part, et des facultés cognitives, d’autre part. Nous postulons que
l’action de (se) former en formant, de former en (se) formant procèdent
de soi-même, voire dans des perspectives phénoménologique et
herméneutique, de l' »en-soi-même » des
sujets, fussent-ils apprenant, ou enseignant, ou cherchant, ou formant,
etc. (C. Gérard, 2003, 2004). Ainsi, l’action de formation repose sur une
éthique de la responsabilisation. Elle est légitimée par l’action (le
« faire », le « dire » et l’intentionnalité) qui nous
renvoie à la congruence rogérienne. Cette
action crée les conditions de la responsabilisation des sujets. Cette
responsabilisation les invite à s’engager autant qu’à s’impliquer.
Dans cette aventure est actionnée la capacité des sujets à assumer les
interactions « complexes » [2] qu’ils développent avec leur
environnement.

 

1 – (Se) former, c’est
l’avoir fait soi-même

 

A ce point, nous posons
l’autonomie « se construisant » de l’humain formant et (se)
formant comme méta niveau de sa lucidité. Ce parti pris que nous
discriminons de la notion « d’indépendance » est fondé sur la
capacité humaine à relier la pratique de l’autoréflexion, d’une part, à
celle de la réflexion sur des objets d’autre part, qui suppose enfin un
engagement collectif. De là, quel que soit le statut du sujet formant ou
(se) formant au travers d’un système d' »action-recherche »
versus « recherche-action », l’action délibérée de
l’auteur / acteur / chercheur est de procéder de lui-même, par une
autoréflexion menée en lui-même, en interaction avec un milieu (ou plus
globalement avec un environnement) [3]. C’est dans ce contexte au sein
duquel il est immergé qu’il exerce son intentionnalité à produire et à
construire collectivement, en interaction, c’est-à-dire en tension avec
ses pairs. C’est cette autoréflexion (opératoire, conceptuelle et
épistémologique), conduite en situation, en interaction avec un
« en-dehors » à soi-même, qui fonde les conditions de
l’auto / hétéro / éco apprentissage et qui accompagne le sujet sur
le chemin du sens (comprendre) et des « faires »
(entreprendre).

 

Notre parcours de formation
quelque peu atypique est à l’origine de cette contribution. Celui
qui nous a conduit à rompre avec l’école classique latine, précocement,
et que nous apparentons à un cursus de formation « tout au long de la
vie ». Ce cursus que nous avons ré-interrogé
à l’occasion de la préparation d’une Habilitation à diriger des
recherches (HDR) en Sciences de l’éducation, en 2003, neuf années après
avoir soutenu une thèse de Doctorat en 1994. Ce parcours, dans la
perspective de J. Piaget (1974), nous le qualifions de constructiviste.
En cela qu’il nous a conduit à actionner des « faires« ,
à agir bien souvent très concrètement au travers d’un métier dès
l’adolescence ; en cela qu’il nous a amené en permanence, et
rétrospectivement comme s’il s’agissait d’une connaissance actionnée
intégrée « en-soi-même« , à réfléchir
ses actions afin de les réinvestir dans les « faires« .
C’est cette expérience éprouvée avec conscience, nous dirait E. Morin
(1990), et cette conscience que nous cultivons dans la double perspective
de l’action et de la réflexion qui participe à la construction de
l’humain (se) formant. Ce mouvement dialogique nous invite, ici et
maintenant, à considérer l’action réfléchie particulièrement fondatrice
de la conscience, de l’action de produire une connaissance aux origines
de soi-même. Cette prise de conscience sur soi-même, cette lucidité sur
soi-même, opérée en « en-soi-même« ,
résultent d’une double origine : celle de prendre conscience de ce que
nous ne connaissons pas en construisant notre domaine de savoir. Ainsi
nous avançons que c’est en construisant des savoirs que l’humain devient
plus lucide par rapport aux domaines de savoir qu’il ne maîtrise pas.
Cette prise de conscience tout à fait essentielle crée les conditions
d’une intentionnalité à agir, c’est-à-dire qu’en même temps qu’il prend
conscience de ce qu’il sait, il prend conscience de ce qu’il ne connaît
pas. Cela peut vouloir dire qu’il se projette dans une action qu’elle
soit de l’ordre d’un « faire » ou d’un « dire ».

 

2 – L’histoire d’une
prise de conscience

 

Dans cette contribution,
c’est en nous enracinant dans notre « parcours » [4], en le
réfléchissant, et cela en nous référant dans le même temps à des théories
que nous (re)conceptualisons, que nous
construisons chemin faisant notre « identité humaine » (E. Morin,
2001). C’est en construisant cette identité, ou plutôt en la concevant,
que nous acquerrons une « capacité à nous mouvoir dans un
environnement qui change », ce que G. Lerbet
nomme notre « capacité autonome » (1998).

 

2.1 – Prendre conscience
d’un parcours

 

La position par rapport aux
origines, dont nous nous autorisons à parler ici, est fondée sur la prise
de conscience d’un parcours. En ce qui nous concerne, celle-ci s’est
manifestée par l’écriture que nous avons entreprise sur la singularité de
notre cheminement. C’est l’apprentissage d’une écriture portant sur
soi-même et reliée à des théorisations, dans le rapport dialogique d’une
écriture intentionnelle, qui confère cette lucidité. Notre conception
s’apparente à un style d’alternance que nous nommons
« l’alternance interactivo-intégrative« .
Cette alternance est d’essence pragmatique au sens où elle se fonde sur
l’énonciation de notre singulier vécu. Avec P. Ricœur, cela
s’apparente à « l’acte même du dire, lequel désigne
réflexivement son locuteur. La pragmatique met directement en scène, à
titre d’implication nécessaire de l’acte d’énonciation, le « je »
et le « tu » de la situation d’interlocution » (1990, p.55).
Au-delà de cette conception pragmatique de l' »action-recherche »
(C. Gérard, 2003), nous posons, dans les mêmes termes, les fondements
constructivistes de la problématisation comme fonction
d' »intentionnalité » à questionner. En d’autres termes, la
conjonction entre…, voire le trait d’intégration que nous opérons
entre « pragmatique » et « problématisation », fonde une
énonciation qui s’enchevêtre avec une interrogation. C’est en dévoilant
ce parcours, en le réfléchissant afin de le comprendre, donc d’y donner
un sens, que nous nous sommes représenté des « passages » dans le
cours de notre histoire, c’est-à-dire des processus qui créent une
médiation, qui facilitent la compréhension, mais qui en aucun cas ne
résout. Ces passages sont des interfaces tel le dieu Janus, ce dieu aux
deux visages : l’un orienté vers le passé que le sujet (se) formant
s’efforce de comprendre, et de comprendre via le second visage projeté
vers le futur. Pour l’avoir actionnée et vécue nous-même, la réflexion
portée sur notre parcours, d’une part, et l’action engagée à partir d’une
réflexion, d’autre part, invitent au « présent » à se représenter
le « passé » et à conjecturer le « futur ». C’est en
l’ayant actionnée nous-même que nous percevons le sens de l’autoréflexion,
c’est-à-dire celle que Gérard Mégie, directeur du CNRS, récemment
disparu, invitait à promouvoir auprès de ses collaborateurs / chercheurs.

 

2.2 – Entre engagement
et dégagement

 

La pragmatique de la
problématisation demeure éminemment paradoxale. Elle procède de
l’engagement de l’humain à (re)produire
des savoirs reconnus socialement, mais aussi des savoirs singuliers qui
invitent la personne à se distancier par rapport à ses origines
autoréférentielles. Ces productions-là peuvent être admises comme
extrêmement coûteuses en temps, en énergie, en investissement personnel
et, paradoxalement, particulièrement fécondes en terme de lucidité,
c’est-à-dire en termes d’apprentissage, de compréhension du monde,
d’autonomie et d’intentionnalité à entreprendre. En effet, produire des
savoirs sur soi-même, en-soi-même, sur la
singularité de ses apprentissages et de ses stratégies bio-socio-cognitives, c’est en même temps
« accoucher » de son expérience pour la mettre à distance, la
comprendre et l’intérioriser. C’est actionner sa capacité à se
projeter et à entreprendre en reprenant la trilogie « Projet /
ressource / contrainte », énoncée par M. Crozier en 1977. En nous
référant à F.-J. Varela (1989, p. 86-91), nous
nous autorisons à dire que le sens procède d’un « couplage
structurel ». Le sens se construit en se construisant lui-même. Ce
qui signifie pour la personne en quête de sens, prise de risques, essais,
erreurs, intentionnalité à changer, à « se représenter » et à
assumer des obstacles, etc.

 

Ce que nous avons montré au
travers de recherches (1994, 1999), c’est que
l’enchevêtrement des processus de problématisation avec des
processus de résolution incarne les fondements d’une pragmatique. Cet
enchevêtrement représente une « clé » qui initie
l’investissement personnel et, par-là, contribue à finaliser l’acte
d’apprendre et de façon plus ambitieuse de comprendre. Par là, le méta
processus que nous traduisons par la pragmatique de la problématisation
ne peut pas être donné. Il exprime l’action d’une personne se
réalisant dans l’action de produire et de vulgariser sa production
et son œuvre quelle qu’elle soit. Cela suppose, d’une
part, qu’elle assume le labeur de la production en éprouvant le
bien-fondé de sa socialisation, et, d’autre part, que le système de
formation et d’enseignement l’aide sans l’aliéner.
C’est en cela que nous parlons d’une alternance interactivo-intégrative
qui suppose de relier, intentionnellement, l’expérience réfléchie à des
champs conceptuels avec lesquels elle est en harmonie, et, dialogiquement, des champs conceptuels en résonance
avec l’expérience réfléchie.

 

La pragmatique de la
problématisation pose le sens en termes
d’ »intentionnalité » (F. Brentano, 1944 ; J. Searle, 1985)
; F.-J. Varela, 1993, p. 45) et de
« faisabilité projective », diraient J.-L Le Moigne
(1990) et J.-P. Boutinet (1993). Ainsi, elle
inscrit son sens dans le point de rencontre interactif qui
s’élabore entre les démarches personnelles de réflexion et de
production de savoir, démarches très intimes, très autoréférencées,
et celles qui s’apparentent à la « commande », au sens
conceptualisé avec F.-J. Varela (1989) ;
c’est-à-dire les injonctions sociales, culturelles, pédagogiques,
didactiques, disciplinaires, etc., par rapport auxquelles le sujet est
amené à se situer. En effet, poser la construction du sens ne se traduit
pas par un abandon du formateur enseignant à l’égard de sa classe
ou de l’adulte qu’il accompagne. En revanche, elle l’invite à
cultiver les fondements de l’action d’enseigner, voire ici
d’éduquer, et à penser dans des formes complexes les stratégies,
voire les postures d’enseignement et de formation qu’il met
en œuvre. En fait, c’est là que se situe notre projet de
communiquer qui se fonde sur notre expérience réfléchie, et qui se
traduit par l’action de modéliser [5] afin d’accompagner
l’éducation susceptible de promouvoir cette action.

 

3 – Concevoir l’action
de (se) former en alternance

 

Méditer sur les origines
d’une conception systémique de l’autonomie humaine, et à un niveau infra
sur l’apprentissage en alternance, corrobore le sens de notre projet.
Nous tenons tant que faire se peut à nous distancier de nos origines
sensibles afin de modéliser, de concevoir, à l’entre-deux de nos
enracinements et des fondements de notre parcours, les stratégies
actionnables légitimées par de telles pratiques d’enseignement, de
formation, d’autoformation et de recherche. Et comme le rappelle J.
Miermont : « La cognition est une affaire
d’échanges, d’interactions, de communications dont
l’autoréflexion et l’isolement sont une partie
intégrante » (1995, p.87). Tout au cours de cette section nous
montrerons globalement, en activant des processus de modélisation, le
sens d’une action qui jusque là n’avait pu être formalisée,
modélisée. L’action mobilisée nous conduit à proposer un modèle
général de « l’action / formation / recherche ». Nous le
modélisons en nous enracinant dans notre parcours et en nous fondant dialogiquement sur les théories qu’y s’y rapportent,
ainsi qu’aux expériences familières et concrètes que nous actionnons.
C’est aux origines de ce projet intentionnel finalisé que se dévoile
l’émergence des connaissances actionnables dont il est question dans ce
texte.

 

Des connaissances aux
origines de l’action de (se) former

 

En fait, les connaissances
actionnées par le sujet (se) formant, en interaction avec les processus
d’accompagnement mis en œuvre par le système de formation, ne
sont pas données « clé en main » ; en revanche, en pareille
situation d’apprentissage où prime une « pragmatique de la
problématisation » (C. Gérard, 2005), ces connaissances procèdent d’opérations,
de théorisations et d’une épistémologie redevables au « paradigme de
la complexité » (E. Morin, J.-L. Le Moigne,
1999). Ces connaissances actionnables corroborent la perspective des
« Nouvelles sciences » et de l’ingenium
auxquelles G.-B Vico nous a initié et qu’il a porté à notre
connaissance. En 1710, G.-B. Vico écrivait : « Le critère et la règle
du vrai sont l’avoir fait soi-même » (1710, 1987, p.15).

 

La modélisation sur
laquelle nous achoppons montre trois niveaux (I, II, III) qui sont
dégagés dès lors que l’action de (se) former s’enracine et se fonde sur
l’autoréflexion:

 

– le méta niveau
(III) procède des interactions qui s’exercent entre les niveaux I et II.
Cette construction (III) est une construction en creux qui traduit
symboliquement ici la maîtrise autonome qui se dévoile au fur et à mesure
de l’action, de l’autoréflexion et de la réflexion.

 

– le niveau I
s’apparente à l’enracinement de l’action et de la réflexion en
« l’en-soi-même« . Cette posture est
d’essence phénoménologique. Elle se pose, aux origines, dès l’en-dedans de l’humain (se) formant. Plus
concrètement, elle suppose une temporalité. Elle suppose une production,
une écriture sur son parcours singulier ; celle-là qui dévoile son sens
pour soi et pour autrui dès lors que cette écriture « (se)
fait ». De là, on comprend que cette action n’a aucun sens dès lors
qu’elle est suggérée par celui qui ne l’a jamais actionnée.

 

– le niveau II, le niveau
du « dégagement », est tout aussi essentiel. C’est le
niveau à partir duquel se construit le socle théorique qui permet la
distanciation et en retour l’implication de l’humain (se) formant. Ce
niveau II est aussi une construction. Il est d’essence herméneutique. En
étant de l’ordre de la théorisation opérée en interaction avec le projet,
avec le problème qui se construit, ce niveau fonde le processus de
distanciation. En effet, c’est en s’enracinant dans un « faire »,
à une « intentionnalité », à des représentations, vécues et
éprouvées en-soi-même, que ce niveau du
« dégagement » se construit. Ce niveau II est, contrairement au
niveau I de l’enracinement qui exhibe des processus d’autoréflexion, de
l’ordre d’un « dégagement » et d’un primat réflexif. En
fait, il est de l’ordre d’une réflexion conduite sur des objets
théoriques finalisés par le projet qui (se) construit. Ce n’est donc pas
de la théorie pour de la théorie !

 

A ce point, à l’interface
des enracinements et des fondements, dit autrement de l’engagement et du
dégagement de l’humain (se) formant, duquel en creux se dévoile les
« connaissances actionnables » (III), deux méta processus
interagissent : la « distanciation » et
« l’implication ». Comme nous l’avons déjà esquissé, ces deux
méta processus évitent deux dérives : une dérive autistique d’un travail
sur soi-même et une dérive théorique qui ne serait fondée que sur la
compilation d’objets théoriques. En revanche, la position que nous
adoptons nous conduit à avancer la fertilisation croisée de ces deux
pôles, envisagés dans leur divergence et leur convergence, s’exerçant de
façon autonome, et finalisés sur l’autonomie de l’humain (se) formant
(niveau III). Ce que nous illustrons comme il suit.

 

 

 

 

Ainsi, nous décrivons les
deux méta processus de « distanciation » et
« d’implication » comme il suit :

 

1) La distanciation, position
que nous avons construite en nous adossant aux travaux de N. Elias
(1983). Elle rend compte de l’action des processus consistant à dédoubler
son regard entre une expérience intimement vécue et une représentation
mise à distance. Il s’agit d’une représentation « jetée en
avant » qui fait que l’on peut la regarder, la réfléchir. Elle n’est
pas une théorie ésotérique, abstraite, déliée de l’en-soi-même.

 

2) L’implication, qui se
distingue de l’engagement, traduit le processus cognitif actionné à
partir d’un bagage conceptuel conscientisé. C’est cette théorisation
construite par soi-même qui en retour (ré) interagit sur l’en-soi-même, et qui produit ce mouvement infini d’une
prise de conscience de ses actions reliées à une conscience portée sur
son action.

 

Implication et
distanciation sont alors les processus qui forment le trait d’union entre
« engagement » et « dégagement », et qui produit cette
construction infinie de la connaissance.

 

Ainsi, à ce point de notre modélisation,
nous sommes invité à traduire ce modèle général conjecturé en un modèle
opératoire que nous avons conduit tout au cours de notre parcours. Deux
remarques toutefois doivent être énoncées ici et maintenant. D’une part,
cette modélisation procède de notre expérience. Elle est le procès d’une
longue méditation sur l’action qui se produit. Ce que nous énonçons là
n’est pas une vérité, elle est une prise de conscience formalisée, rien
de plus ! D’autre part, cette modélisation oriente notre pratique d’enseignant-chercheur-ingénieur-concepteur et
participe à l’éthique, aux connaissances et à la méthodologie que nous
développons auprès des étudiants, ou autres adultes en formation que nous
accompagnons à l’Université.

 

4 – Concevoir les
stratégies opératoires du système d’action / formation / recherche

 

Notre visée ici est de
traduire le modèle que nous avons construit dans la trilogie de ses trois
creusets fondateurs, c’est-à-dire:

1) l’en-soi-même
fondé sur les enracinements;

2) les fondements conceptuels,
c’est-à-dire les théorisations;

3) les connaissances
actionnables.

 

4.1 – (Re) contextualiser afin
d’opérationnaliser

 

De là, il convient de
dégager ce qui peut apparaître comme « enseignable », au sens de
la légitimité des savoirs produits. En aucun cas ce déjà-là, cette
expérience, ces actions, ces réflexions…, qui sont aux sources de
notre modélisation, sont à prendre en l’état. En effet, quiconque y
trouverait un sens, se l’approprierait, va naturellement le
reconstruire en vue de l’adapter à sa propre action et à sa
singulière réflexion. La réalité n’est pas là, statique, unique, la
même pour tous; elle est en revanche une construction, une (re)construction finalisée par notre système humain
(éthique, bio-socio-cognitif, etc.) en fonction
de ce qu’il est et de ses projets. La réalité est une invention
nous rappelle P. Watzlawick et les auteurs qui
ont contribué à l’écriture de « L’invention de la réalité »
(1988). C’est dans la perspective de ces recommandations que doit
s’inscrire la présentation du modèle que nous avons inventé, conçu
et construit, afin d’apprendre et de comprendre de notre
expérience, en nous la (ré)appropriant et en nous en distanciant. De
plus, comme pour tout savoir, ce savoir qui est le produit d’une
ingénierie personnelle peut être considéré comme pouvant être apprécié,
critiqué, reconstruit par autrui car, transposé dans des contextes
personnels, inédits, singuliers…, suppose des adaptations aux
finalités de ces éventuels nouveaux usagers.

Ainsi, rendre compte de
notre modélisation en fournissant la fonction opératoire qu’elle
recèle fonde le paradoxe qu’en la socialisant, donc en actualisant
le système de formation, en le rendant visible et accessible par autrui,
nous participons paradoxalement à annihiler son potentiel. Le risque
étant de réduire cette modélisation à un algorithme, à un modèle figé,
statique, auquel nous nous opposons en toute intention. Ceci dit,
c’est en prenant le parti de l’exposer que nous nous ouvrons
à la critique des points de vue pratique, théorique et épistémologique.
En fait, c’est sans doute en posant à nous-même ces exigences
nouvelles que nous nous interrogeons sur le bien-fondé d’une
« méta réflexion » portant sur « l’enseignabilité »
de ce modèle, c’est-à-dire sur les fondements éthiques, conceptuels,
pédagogiques, qui nous autoriseraient à l’enseigner. Ainsi est
posée la « légitimité des savoirs enseignables » (J.-L. Le Moigne, 2002).

 

4.2 – La symbolique du
« 8 » aux origines du système humain (se) formant

 

Depuis plus d’une décennie,
nous cherchons à modéliser le « système de formation » versus
« système humain (se) formant » à partir de la métaphore du
« 8 » [6]. Cette métaphore renvoie à huit stratégies opératoires.
Celles-ci initient, en cohésion avec le côté symbolique initiateur du
modèle, huit actions bio-socio-cognitives qui
nous apparaissent transposables dans l’exercice de nos fonctions
professionnelles d’enseignant, de formateur, de chercheur, voire de
concepteur. Nous l’avons compris, ces actions ne peuvent se réduire à des
injonctions; en revanche, elles se situent, se construisent et sont
actionnées, au sens des « connaissances actionnables » énoncées
par D. Schön (1994), à « l’entre-deux
d’une origine partagée » dirait D. Sibony
(1991) ou/et « à la limite d’une réflexion éthique soucieuse de
réconcilier pensée de la liberté et pensée de la finitude » (G. Liiceanu, 1994). Les stratégies opératoires
traduisent alors l’action du « se formant » en interaction
avec son environnement. Elles sont éprouvées et vécues à l’interface d’un
« en-soi-même » (apprenant, comprenant,
entreprenant) et d’un « milieu » (G. Lerbet,
1993), lui-même immergé dans un environnement.

 

Notre expérience
d’enseignant, de formateur, d’accompagnateur, de chercheur en
éducation, permet d’affiner la modélisation de cette action
considérée « complexe ». Elle nous amène à formaliser ce système
de formation à partir de huit stratégies actionnables. La représentation
ci-après (figure 2) a le projet de traduire notre modèle à des fins
opératoires et à destination du système de formation. Elle se fonde sur
le courant d’une pensée systémique redevable à une épistémologie
constructiviste, à laquelle J. Piaget, J.-L. Le Moigne,
G. Lerbet, nous initient depuis le début des
années quatre-vingts. Notre conception se prolonge également, dans la
perspective d’une intelligence de la complexité, au sens où E. Morin
(1999), E. Von Foerster (1988, 1990), H. Simon
(1991), F. Varela (1993), J.-P. Dupuy (1993),
et bien d’autres, vivifient nos conceptions.

 

Ainsi, l’état de cette
modélisation issue d’un long processus heuristique, que nous avons
conduit depuis plus d’une décennie, fournit huit stratégies actionnables
(1; 2; 3; 4; 5; 6; 7; 8). Sur l’illustration de la page suivante, cela
représente huit stratégies mobilisées à un moment ou un autre par le
sujet se formant. Par manque de temps et d’espace ici, nous ne pouvons
pas reprendre la « chronique des états » qui a présidé à cette
construction, en revanche, nous nous limitons à fournir la forme ultime
de la modélisation. Celle-ci qui nous invite à développer l’ancrage
opératoire de notre position. Dans le prolongement de G. Lerbet (1993), cette modélisation se fonde sur trois
niveaux interactifs et enchevêtrés :

 

          le niveau du « sujet se formant » (niveau A)
que nous traduisons dans notre illustration par « L’autonomie du
système humain se formant
« . Il est l’unité de l’être agissant,
c’est-à-dire le méta niveau : le suprenum
ici du système agissant.

 

          Le niveau de l’environnement (niveau C) représente
l’espace/temps dans lequel le sujet se formant est immergé et avec lequel
il interagit. Il recèle des informations que le système humain peut
intégrer. Il représente un niveau infra.

 

          Le « milieu » (niveau B) se situe à
l’interface du niveau méta et du niveau infra. Il traduit l’intégration/reconstruction
de l’environnement opérée par le système humain.

 

            Nous représentons comme il suit les huit stratégies
actionnables de notre modélisation.

 

 

Cette modélisation traduit
le sens que nous donnons à l’alternance interactivo-intégrative.
Elle se fonde à un méta niveau sur une pragmatique de la
problématisation. A un niveau infra [7], cette alternance nous
conduit à interroger sa pertinence d’un point de vue opératoire
pour la formation et l’accompagnement des étudiants et des adultes
en formation qui l’éprouvent.

Les stratégies actionnables
de l’alternance interactivo-intégrative

 

L’organisation de la
figure ci-dessus (figure 2) présente les huit stratégies actionnables qui
émergent de notre modélisation. L’aspect linéaire de l’illustration
n’indique pas de façon stricte la chronologie de leur avènement ou/et de leur
mise en œuvre. En effet, comme le souligne P. Meirieu
parlant de l’alternance en formation: « on s’aperçoit que
la véritable efficacité (de l’apprentissage), c’est quand
l’alternance fonctionne dans les deux sens: quand il y a à la fois
découverte de l’obstacle en situation professionnelle et découverte
aussi dans le système de formation d’un certain nombre de
difficultés qui vont être levées par un travail en production sur le
terrain et dans l’entreprise » (1992, p. 32). Cela revêt un
caractère fondamental par rapport au sens que tout un chacun donne à la
lecture de notre modèle. La formation par alternance interactivo-intégrative
ou « interactive » dans l’acception de P. Meirieu (p.32), suppose l’enchevêtrement d’une
variété d’approches guidées toutefois par deux grands courants qui
émergent de notre modélisation. D’une part, le courant qui se fonde
sur « le terreau expérienciel » et qui
active les processus bio-socio-cognitifs
appartenant à une culture phénoménologico-herméneutique
que sont « l’abduction, la transduction, les heuristiques de
problématisation » [8], tout en ne négligeant pas le recours à la
déduction, c’est-à-dire à la procédure, à l’algorithme;
d’autre part, le courant peut-être plus classique qui procède du
« bagage conceptuel ».

 

C’est dans ce double
voyage interactif et hybride qu’il nous apparaît pertinent de lire
le modèle qui émerge de notre singulière expérience, conceptualisée et
modélisée, que nous avons décrite ci-avant.
Cette lecture nous l’opérons dès ses origines épistémologiques et
conceptuelles et, ici et maintenant, dans une perspective opératoire. De
cet ultime point de vue, l’alternance interactivo-intégrative
suppose, dans l’interaction du « Système humain (se)
formant » au « Système de formation » et à son environnement,
de ne pas négliger les stratégies actionnables que nous avons décrites à
partir de la figure précédente ; celles-ci qui consistent à :

1 – fonder le projet
d’action / formation / recherche [9] de l’humain (se) formant
par la recherche,

 

2 – créer les conditions de
l’exploration du terrain socioprofessionnel et culturel,

 

3 – inviter l’humain
(se) formant à produire des savoirs sur son expérience et sa pratique,

 

4 – instaurer des temps
d’échanges entre le formé et le formateur portant sur l’expérience,
sur la pratique et sur la production de savoirs du (se) formant par la
recherche,

 

5 – organiser des temps
d’échanges et de production collectifs sur ses actions,

 

6 – gérer l’interface
expérienciel/conceptuel en accompagnant
l’action des sujets à se distancier,

 

7 – cadrer d’un point
de vue conceptuel les apprentissages au travers d’apports
théoriques,

 

8 – évaluer les productions
et apprentissages des points de vue formatifs et certificatifs; et
envisager un retour sur le terrain.

 

Ces stratégies actionnables
revêtent un caractère très général. Il présente toutefois l’intérêt de
mobiliser des équipes d’enseignements, de formateurs ou et
d’accompagnateurs dans la modélisation de leur projet singulier. Cette
modélisation recèle une fonction d’artefact. Elle rend compte d’une
formalisation de notre expérience réfléchie, celle-ci que nous
réinvestissons dans notre action, et récursivement. Les connaissances que
nous actionnons mènent à trois axiomes qui valent autant pour
l’apprenant accompagné que pour l’accompagnateur apprenant.
Ainsi pour corroborer notre pensée, ici et maintenant, nous rendons
compte de l’heuristique que nous actionnons comme « passeur »
[10] afin de discuter ce que nous conjecturons. Elle procède de trois
axiomes fondateurs, selon nous, de l’autonomie humaine:

 

– D’une part,
l’axiome selon lequel l’action s’enracine dans les
origines, dès « l’en-soi-même »
des sujets apprenants et accompagnants. E. Husserl parlait d' »en-dedans » (1950) pour traduire l »en-soi-même » de l’humain aux origines duquel se
fonde l’autoréflexion. Nos pratiques réflexives et autoréflexives et les
références que nous faisons à F.-J. Varela
(1989, 1993), à J. Piaget (1967, 1974 a, b), à G. Bachelard (1983), nous
sont particulièrement nourricières, permettant de postuler le bien-fondé
de l’autoréflexion comme pratique de formation.

 

– D’autre part,

l’axiome selon lequel les actions de (se) former et de former
procèdent du « principe dialogique » (E. Morin, 1999) qui
s’exerce entre un sujet cherchant, un objet appréhendé et un
trajet. Cet axiome se fonde sur l’intentionnalité humaine que nous
relions à la finalité. Cette finalité qui est de comprendre le sens de
l’action et d’actionner des « faires »
pour comprendre. Ainsi, comme le rappelait G. Bachelard : « rien
n’est donné, tout est construit ! » (1983, p.15). Et cette
construction intentionnelle (ici de l’humain (se) formant), ce projet
porté sur des objets qui dévoilent récursivement un trajet, constitue
l’origine fondatrice des processus autoformateurs.
(Se) former n’est pas une vaine intention, mais repose sur
l’intentionnalité de tout un chacun, et là le projet est de comprendre ce
qui en constitue ses racines. Cela pourrait vouloir dire : finaliser,
enraciner dans l’action, fonder sa réflexion, produire des savoirs, les
communiquer, se relier à une action collective, autoréfléchir
son parcours afin de le comprendre en s’en distanciant, etc. Voilà un
ensemble de « faires » sur lesquels
nous nous exerçons, au sens de Sisyphe qui (re)montait
la pierre qui venait de dévaler le sommet. Se former et former supposent
de remettre en permanence son fer au feu, car comme nous le rappelait
Héraclite pour qui « le monde n’était pas, n’était jamais donné, on
ne se baigne jamais deux fois dans l’eau du fleuve » (R. Munier, 1991, p.82).

 

– Enfin, l’axiome
selon lequel les connaissances actionnables s’enracinent et se
fondent sur l’action de modéliser, c’est-à-dire, d’une part,
dans l’art d’inventer [11] des modèles afin que ces modèles
(ré)interrogent la singulière expérience humaine, d’autre part, dans
l’action de (ré)interroger sa singulière expérience humaine afin que ce
processus nourrisse récursivement l’art d’inventer de nouveaux modèles.
Et dans cette perspective de la modélisation que nous actionnons, au sens
de « concevoir des modèles, c’est-à-dire de « dessiner à
dessein » (J.-L. Le Moigne, 1990 ; J.-P. Boutinet, 1993), afin de se distancier de ses
singulières emprises personnelles, se construit « chemin
faisant » [12] l’autonomie humaine.

 

En conclusion de cette
contribution, nous tenons à rappeler que cette modélisation émerge
d’un projet en conception / construction depuis fort longtemps. Il
a été là sans que nous puissions forcément en prendre conscience et
l’exprimer. Paradoxalement, c’est dans sa forme la plus
abstraite, la plus (dé)contextualisée, la plus
extérieure de notre univers intellectuel familier, la plus éloignée de
nos actions, que nous avons réussi à la décrire d’abord, et cela
depuis le milieu des années quatre-vingt-dix. Notre parcours
universitaire nous a conduit jusqu’à notre engagement dans
l’Habilitation à Diriger des Recherches (HDR), en 2001, à réaliser
des travaux de recherche parfois distants et « décontextualisés »
de nos origines sensibles. Nous redécouvrons depuis « l’écriture de
notre histoire professionnelle et intellectuelle » (C. Gérard, 2003)
le sens de notre action. Ce sens, nous le situons aux origines de nos
velléités de chercheur, à savoir un sens qui se nourrit d' »actions /
recherches », et récursivement sur de « recherches /
actions » où la prise en compte de « l’en-dedans »
du sujet « auteur / acteur / chercheur » constitue
« l’énergétique personnelle et sociale » (A. de Peretti, 1999) de
l’humain (se) formant en formant et, dialogiquement,
de l’humain formant en (se) formant. C’est en cet instant que
l’interaction qui s’exerce entre formé et formant suppose de l’art, de la
science et de l’expérience. Chemin faisant, notre présente contribution a
le projet d’accompagner collectivement notre hypothèse de modélisation de
l’alternance interactivo-cognitive en la
soumettant à la réflexion d’autrui. Cette hypothèse se fonde (figure n°
1) sur le postulat selon lequel « l’autonomie humaine » (III)
procède de l’action intentionnelle de (se) former en actionnant deux méta
processus (I : enracinement ; II : fondement) qui s’autoréfléchissent »
en (se)réfléchissant eux-mêmes dans leur rapport dialogique.

 

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Notes

 

[1] Nous parlons
d’intentionnalité depuis Franz Brentano (1838-1917) à laquelle E. Husserl
(1859-1938) puis F.-J. Varela (1993) se sont
référés. Pour Brentano, « l’intentionnalité est cette caractéristique
de l’esprit humain qui lui permet de former des représentations »
(Jacob, 2004, p. 49).

 

[2] Le mot complexité
n’est pas un vain mot. Il n’est pas un «donné», il ne se
réduit pas à la description d’un objet même compliqué; en revanche
le mot complexité est là, pour traduire, pour nommer l’état
d’une situation qui questionne, qui pose problème, qui n’est
pas décomposable. C’est aussi pour nous l’action humaine délibérée
à inventer, à concevoir un modèle (une situation, un objet, une
organisation, etc.) qui n’existe pas et que pourtant notre
imagination s’efforce de conjecturer. Elle nous invite et nous
entraîne, non seulement à apprendre un savoir déjà là, mais aussi à
comprendre dans l’incomplétude, dans l’incertitude…,
comme par exemple quand nous sommes conduit à imaginer,
c’est-à-dire à inventer un objet qui n’existe pas. R. Benkirane (2002), en introduction de son ouvrage
« La Complexité, vertiges et promesses » nous fournit entre
autres un aspect de la complexité. Il nous dit: « La complexité est
une situation en »bordure » de deux états différents, voire
contradictoires. Elle renvoie souvent à un seuil critique, à une
frontière entre chaos et ordre » (2002, p. 10). En d’autres
termes, le poète P. Valéry (1992), par une formulation enjouée, précise :
« qu’entre ordre et désordre règne un moment délicieux ».
Serait-ce alors ré-habiliter aux origines
d’un vécu, le « faire » dans son enchevêtrement au
« dire », le véritable projet du mot complexité?

 

[3] C’est à partir des
travaux de J. Legroux (1981) vulgarisés au
travers de nombreuses recherches et particulièrement par G. Lerbet (1997, p. 76-86), que nous discriminons trois
concepts majeurs contribuant à comprendre l’autonomie de l’humain (se)
formant, par exemple : d’une part, la connaissance comme « savoir
vécu et intégré par la totalité du sujet » (p. 82) ; d’autre part, le
savoir comme entité « constituée d’informations mises en relation,
organisées par l’activité intellectuelle du sujet » (p.80) ; enfin,
l’information comme  » à l’origine, une donnée extérieure au sujet,
c’est un objet » (p. 78).

 

[4] De Michel Serres
(1991), nous reprenons l’idée de « voyage ». Une idée nourricière
de notre position sur le « parcours » que R. Hess et C. Wulf (1999) ont particulièrement contribué à nous
représenter par une conception de « l’action / formation /
recherche » au travers de leur ouvrage « Parcours, Passages et
paradoxes de l’interculturalité« .

 

[5] Avec J.-L. Le Moigne (1990, p. 5), nous avançons que l’action de
modéliser est une  » action d’élaboration et de construction
intentionnelle, par composition de symboles, de modèles susceptibles de
rendre intelligible un phénomène perçu complexe, et d’amplifier le
raisonnement de l’acteur projetant une intervention délibérée au sein du
phénomène : raisonnement visant notamment à anticiper les conséquences de
ces projets d’actions possibles ».

 

[6] Cf. nos publications
(C. Gérard, 1997, 1999, 2002, 2005)

 

[7] Nous entendons par
niveau infra l’énoncé des stratégies actionnables repérées dans
l’environnement pédagogique. Ce niveau infra habilite la complexité des
pratiques de formations développées. Il se distingue du niveau méta
représentatif des connaissances actionnées par le sujet humain se formant
pour lesquelles celui-ci n’en possède qu’une relative conscience. En
d’autres termes, le niveau infra serait actuel, le niveau méta potentiel.

 

[8] Un certain nombre
d’auteurs ont été pour nous de véritables initiateurs, à savoir: C.
Peirce (1839-1914), J. Dewey (1859-1952), H.-A. Simon (1916-2002), G. Polya (1957); plus près de nous, J.-L. Le Moigne (1990, 1995), P. Bourgine
(1992), G. Lerbet (1995). Nous citons également
D. Violet (1996), N. Denoyel (1999, P. 35-42),
deux collègues enseignants à l’Université, pour qui les concepts
d’abduction, de transduction, d’heuristique (de
problématisation et de résolution) constituent, comme pour nous, un
véritable engagement dans la recherche.

 

[9] Dans sa pratique
professionnelle d’enseignant-chercheur, J. Clénet
(2002) repère trois « types d’actions qui portent en elles des
fondements et des principes qui ont « à voir » avec la
« recherche ». Ce sont: – « l’action-formation-recherche »
qui est illustrée par l’accompagnement qu’il réalise auprès
des étudiants de maîtrise à l’IUP
(Institut universitaire professionnalisé), d’équipe de formateurs
et de responsables de formations en alternance; – « la
recherche-action (ou l’action-recherche)
qui porte sur l’accompagnement de professionnels à modéliser leur
pratique d’alternance; – « la recherche » dont
l’illustration est fournie par l’accompagnement des étudiants
en DEA, ou en thèse» (J. Clénet, 1999, p. 8-9).

 

[10] En référence à Michel
Serres (1980), nous employons le mot « passage » pour traduire cette
interface complexe sensible entre un « sujet » et un
« objet ».

 

[11] Pour M. Serres,  »
Le but de l’instruction est la fin de l’instruction, c’est-à-dire
l’invention ». Il ajoute : « L’invention est le seul acte
intellectuel vrai, la seule action intelligente » (1991, p. 147).

 

[12] En référence à Antonio
Machado : « Le chemin se construit en marchant ! » (1917).

 

Notice bibliographique

 

Gérard, Christian, « Action-recherche / recherche-action en
formation : Conjoindre l’expérience, l’art et la science
afin de former à (se) former», Esprit
critique
, Hiver 2006 – Vol.08, No.01, ISSN 1705-1045, consulté sur
Internet: http://www.espritcritique.fr



 

 

 

 

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Revue internationale de
sociologie et de sciences sociales Esprit critique

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