Esprit critique > Hiver 2006






















 

 

Résumé

 

Dans
cette recherche, nous avons comparé les aspirations et les
représentations d’une population d’étudiants en deuxième
année de DEUG STAPS, à celles de professionnels du milieu sportif, à
propos du degré de professionnalisation de formation de la filière STAPS.
Le contexte structurel en STAPS ayant changé depuis plusieurs années, la
nature de la population étudiante a été modifiée: elle s’est accrue
et diversifiée. Procédant de ce constat, notre questionnement est le
suivant: la nouvelle dispersion des origines sociales et scolaires des
étudiants, affecte-t-elle leurs représentations et leurs aspirations
relatives à leur devenir professionnel? Nous avons travaillé avec 60
étudiants de licence. Chacun a interviewé, en fonction de son projet
professionnel, un professionnel du milieu sportif qu’il estimait
être un employeur potentiel. La synthèse des résultats montre chez les
étudiants et les professionnels, que le professorat d’EPS est considéré comme le débouché
« naturel » de la filière. L’examen des hypothèses
formulées par les étudiants et celui de l’échantillon des
professionnels qu’ils ont sélectionnés révèle qu’il existe
chez les premiers une « culture de déclassement », alors que les
professionnels ont une image très positive de la filière.

 

Mots clefs

 

Filière
STAPS, Etudiants STAPS, Projets professionnels, Représentations sociales,
employeurs potentiels.

 

Summary

 

Mirror, my fair mirror : STAPS Students facing
theirs employers.

Compared study of professionnal representations
about the STAPS channel between STAPS students’ and potential
employers’ identified by the students

 

In this study, we have compared the aspirations
and professionnal representations about the staps channel of a students
group in licence of university, to professionnals’ involved in the
sport business. The structural context of the STAPS channel has been changed
for the last ten years. The students’ population has been modified.
She has increased and has been diversified. From this observation our
question is: does the new social and schoolish students’
scattering modify their professionnal representations and aspirations? We
have worked on a licence 60 students group. Each of them has interviewed
one professionnal person involved in the sport business whom he supposed
to be a potential employer. The synthesis of the results show that among
the students and the professional people interviewed, the teaching
profession remains the normal and natural opening of the STAPS channel.
The examination of the hypothesis made by the the students and of their
panel of the professionnals they chose, show a self-downgrading tendancy
among the students opposed to the fairly good opinion the professionnals
have on the STAPS channel.

 

Key words

 

STAPS channel, STAPS Students, Employment
project, professionnal representations.

 

 

1  Préambule :
histoire des STAPS à l’Université

 

La filière STAPS est une
filière universitaire récente, descendante directe des instituts de
formation des professeurs de gymnastique. Son « universitarisation »
(Michon, 1995) commence en 1969 avec
l’apparition des UEREPS (Unités d’enseignement et de recherches
en EPS) à l’Université. Cependant les UEREPS ne permettent pas
d’affirmer une totale appartenance ni indépendance universitaire.
Jusqu’en 1981, elles dépendent de deux ministères: celui de la
Jeunesse et des Sports pour les enseignants, et du ministère de
l’Education nationale pour les frais de fonctionnement. Les UEREPS
sont ainsi en co-direction: « les présidents sont des professeurs de
médecine qui apportent une garantie universitaire et les directeurs,
souvent des professeurs d’EPS (éducation
physique et sportive), qui sont nommés par le ministère de la Jeunesse et
des Sports. » (Seners, 1999, 272). Pour Michon (1995, 205) « la présence, voire la
nécessité, d’un tel président peut apparaître comme la caution
universitaire à un cursus de formation trop récemment promu pour
présenter les garanties nécessaires. » On ne fait pas encore
totalement confiance à la discipline, ce parrainage paraît nécessaire,
pour d’une part lui permettre d’accéder au statut de
formation dans l’Université, et d’autre part pour éviter la
dévalorisation de la filière par le fait qu’elle enseigne des
pratiques corporelles alors que l’université se proclame un lieu de
science, où les mots sont plus sollicités que les corps (Michon, 1983).

 

« L’universitarisation » se confirme avec la mise en
place du premier cycle universitaire: le DEUG (Diplôme d’études
universitaires générales) STAPS est créé en 1975 ; avant cela, les
UEREPS ne délivraient pas de diplômes universitaires. En 1979, la licence
STAPS est créée, ce qui entraîne des modifications du CAPEPS (Certificat
d’aptitude au professorat d’éducation physique et sportive)
qui va s’aligner sur celui des autres disciplines. En 1981, à
l’initiative de la gauche au pouvoir, l’EPS
placée sous la tutelle du ministère de l’Education nationale,
devient une discipline comme une autre à l’école ou à
l’université: « Dans la conjoncture sociopolitique des années
1981 et 1982, la section STAPS (74ème) est créée au sein du
Conseil supérieur des Universités rendant ainsi possible
l’existence d’un corps d’universitaires dans cette
discipline. Un troisième cycle en STAPS se met en place,
l’agrégation EPS voit le jour, … », ce qui termine
d’après Michon (1995, 206) le processus
« d’universitarisation » engagé
en 1969.

 

En effet, la loi Savary
(1984) sur l’enseignement supérieur, est à l’origine des
transformations des UER (Unités d’enseignement et de recherche) en
UFR (Unités de formation et de recherche) et de la création de la section
STAPS au Conseil supérieur des universités, ce qui engendre la nouvelle appellation
UFR STAPS. La dénomination STAPS apparaît pour la première fois dans la Note
d’information
du ministère de l’Education nationale
(83-07), publication annuelle sur les effectifs de la population
universitaire en France, pour l’année universitaire 1982-1983.

 

Ces UFR constituent
désormais une filière universitaire « classique » avec tous les
niveaux de diplômes afférents: DEUG, Licence, Maîtrise, DEA (Diplôme
d’études approfondies), DESS (Diplôme d’études supérieures
spécialisées), Doctorat. La formation au professorat d’EPS n’est plus le seul objectif de la
formation, celle-ci s’opère, comme pour les autres disciplines, à
l’IUFM (Institut universitaire pour la formation des maîtres),
après l’obtention d’une licence. Mais nous allons voir que le
professorat d’EPS est resté le principal
débouché idéologique des STAPS, tant pour ses étudiants que pour les
professionnels du milieu sportif.

 

Pour leur intégration
universitaire, décidée par le Politique, les STAPS ont eu besoin du
parrainage et de la garantie de sciences reconnues comme légitimes dans
le milieu de la Recherche et à l’Université. Si aujourd’hui,
la légitimité universitaire de la filière STAPS est acquise, elle est
régulièrement remise en question (manifestations des étudiants STAPS au
début de l’année 2004 plaidant le maintien de leur filière à
l’université). Ce problème latent de reconnaissance universitaire
induit un sentiment d’infériorité chez les enseignants d’EPS et de STAPS, qu’ils transmettent
implicitement ou non à leurs élèves et à leurs étudiants.

 

2  Introduction : cadre théorique et
problématique

 

Dans cette recherche, nous
avons étudié en parallèle les représentations sur la filière STAPS
d’une population d’étudiants en DEUG 2 STAPS, avec les
représentations sociales de professionnels du milieu sportif, choisis par
ces étudiants. Durkheim (1898) insiste sur le rôle des interactions
individuelles dans l’émergence de la conscience collective. En
effet, les représentations collectives sont engendrées par les actions et
réactions échangées entre les consciences particulières dont est faite la
société. D’après Jodelet (1994), une
représentation peut être définie comme un savoir commun à un groupe:
« une forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayant
une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité
commune à un ensemble social et culturel ». Les deux groupes auxquels
nous nous intéressons sont interdépendants sur le marché du travail
sportif et nous comparons leurs représentations sur un même objet social
(la filière STAPS). Moscovici (1961) précise que les représentations ont
également une fonction évaluative: une représentation propose un
jugement, une appréciation ; elle implique une prise de position. En
fonction du groupe d’appartenance des sujets et de leur place sur
le marché du travail sportif, nous recueillons des jugements variés sur
la filière STAPS et nous analysons comment se structurent les
représentations des professionnels. Par ailleurs, Moscovici (1961)
explique que le propre des représentations est d’être relativement
stables sur une période donnée et d’appartenir à tout un groupe.
Dans leur élaboration, les représentations sociales sont bâties autour
d’un noyau central (certains auteurs parlent de « schémas
cognitifs de base » ou de « système central ») autour duquel
s’agrègent des éléments périphériques. Le noyau central est
considéré comme « la clef de voûte » et la composante stable de
la représentation. Selon la finalité de l’action et la nature de
l’objet, il peut avoir deux dimensions: une dimension
« normative » et une dimension « fonctionnelle ». La
première rendrait compte des prises de positions des sujets au regard de
l’objet de représentation et la deuxième trouverait sa fonction en
organisant les pratiques relatives à l’objet. Ainsi, les éléments
normatifs du noyau central devraient orienter les étudiants pour choisir
l’employeur à interviewer et donner du sens à leur choix. Les
éléments périphériques sont considérés comme « associés aux
caractéristiques individuelles et au contexte immédiat. Ce système
périphérique permet une adaptation, une différenciation en fonction du
vécu, une intégration des expériences quotidiennes » (Abric, 1994, 28).

 

On sait combien le contexte
structurel en STAPS a changé ces dernières années: la filière STAPS a
subi une explosion démographique au milieu des années 90. Cette mutation
est due à l’effet combiné de la massification de
l’enseignement et de la suppression du concours d’entrée. La
nature de la population STAPS s’est trouvée sensiblement modifiée:
elle s’est accrue et diversifiée. A la moitié des années 90, dans
le cadre du plan « Université 2000 » de L. Jospin et C. Allègre,
les universités françaises se redéploient sur le territoire français, ce
qui favorise l’ouverture d’UFR STAPS. En 1990, moins
d’une vingtaine d’universités proposait la filière STAPS
alors qu’aujourd’hui elle est présente dans 44 universités
(chiffres repris des publications des CIO (Centre d’Information et
d’Orientation [1])). « En 1990, les effectifs inscrits en STAPS
représentent 1% de la population universitaire en France, toutes
académies confondues. Dix ans plus tard en 2000, cette proportion est
passée à 3, 2% » (« Les STAPS », Note
d’information
(01-39) publiée en août 2001).

 

En plus de 20 ans, de 1980
à 2004, les effectifs y ont été multipliés par 6, 5 [2] et
aujourd’hui la filière STAPS compte 48 500 étudiants soit presque
qu’autant qu’en AES (Administration, économie et gestion) [3]
et son poids universitaire s’est accru d’année en année.
Parallèlement ces transformations quantitatives ont été accompagnées de
transformations qualitatives. Dans un premier temps il s’est agi de
transformations qualitatives au niveau des effectifs, le recrutement
social des étudiants s’est sensiblement modifié, la filière
accueillant davantage d’étudiants issus de filières secondaires
techniques et de milieux sociaux populaires, et la part des femmes
diminuant de 25%. (Giret et al., à
paraître).

 

 

 

 

 

 

Tableau récapitulatif de l’évolution qualitative

des étudiants inscrits dans la filière STAPS (en %)

 

 

1979-1980

1986-1986

1994-1995

1995-1996

1996-1997

2000-2001

2001-2002

2003-2004

Effectif
STAPS (absolu)

7420

9502

15637

20160

27192

45165

44759

48500

Femmes

N.C.

45

39

36

34

32

32

31

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Parents
cadres

N.C.

56

36

35,5

33,5

31

N.C.

N.C.

Parents
professions intermédiaires

N.C.

7,5

26

24

25

21,5

N.C.

N.C.

Parents
employés

N.C.

8

12,5

13,5

15

16

N.C.

N.C.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bacs
généraux

N.C.

N.C.

81*

81

80

79

73***

N.C.

Bacs
techniques

N.C.

N.C.

14**

14

16

17

22****

N.C.

 

Sources :
données relatives aux étudiants inscrits dans la filière STAPS pour les années
universitaires correspondantes, données issues du ministère de
l’Education nationale (MEN), publiées dans des notes
d’informations ou dans repères et références statistiques.

N.C. :
données non connues, soit parce que le MEN ne les recensait pas (1979-1986),
soit parce que le MEN ne les différencie pas des données relatives à
l’ensemble des étudiants inscrits dans les filières scientifiques
françaises (2001-2004).

* :
dont 65% de bacheliers scientifiques          *** : dont 64% de
bacheliers scientifiques

** :
dont 68% de bacheliers G (gestion)          **** : dont 64% de
bacheliers STT (gestion)

 

Dans un deuxième temps, il
s’agit de transformations qualitatives au niveau de
l’organisation de la filière. L’explosion des effectifs ne
s’accompagnant pas de la même augmentation de nombre de postes
alloués au CAPEPS [4], la filière STAPS a été amenée à réfléchir à
l’orientation professionnelle de ses étudiants et à diversifier ses
contenus d’enseignements, pour conquérir de nouveaux secteurs
professionnels. La filière STAPS a ainsi diversifié ses mentions au
niveau de la licence à partir du début des années 90. Cinq licences
différentes accompagnées de leur maîtrise, « activité physique
adaptée (APA) », « management du sport », « entraînement
sport », « éducation et motricité » et « ergonomie du
sport et performance motrice » ont vu le jour, afin de correspondre
aux nouveaux secteurs d’activités professionnelles identifiés par
les enseignants en STAPS.

 

Notre questionnement sera
le suivant: la nouvelle dispersion des origines sociales et scolaires des
étudiants et la modification de l’offre de formation en STAPS,
influencent-elles les représentations et les aspirations relatives aux
devenirs professionnels des étudiants?

 

Pour ce travail, nous avons
posé comme hypothèse, que malgré la dispersion culturelle de
l’origine de ces nouveaux venus en STAPS, malgré
l’accroissement des contacts et des échanges entre la population
STAPS et celle des étudiants des autres filières universitaires (éléments
périphériques fonctionnels) et malgré la pénétration d’anciens
diplômés des STAPS dans plusieurs secteurs professionnels, il existe un
sentiment (normatif) de déclassement qui limite l’horizon
professionnel et le polarise vers le professorat d’EPS.

 

3  Méthode de recherche

 

Dans un premier temps, nous
avons ciblé un échantillon d’étudiants en STAPS, précisément une
promotion de 60 étudiants inscrits en 2002/2003 en DEUG 2 STAPS [5]. En
deuxième année, les étudiants ne sont plus nouveaux dans la filière.
Depuis au minimum un an ils appartiennent à l’institution, ils
côtoient des enseignants et d’autres étudiants en STAPS, ils ont
donc une connaissance de l’intérieur de la filière.

 

De plus, la licence est
pour tous le moment du choix de l’orientation professionnelle. Nous
avons travaillé avec eux en séances de TD, en début d’année
universitaire: chaque étudiant devait se présenter devant son groupe en
décrivant son expérience en DEUG, exprimer ce qu’il pensait de la
filière, de son organisation et de son fonctionnement ; il devait
enfin expliquer son projet professionnel (l’étudiant était guidé
par un questionnaire à questions ouvertes). L’étudiant devait
remettre son guide de présentation écrit à l’enseignant. Nous avons
analysé leur travail de manière qualitative en interprétant les thèmes
récurrents des réponses. L’interprétation est nécessaire à la
compréhension puisqu’il « existe en l’homme un double
niveau du patent et de latent ; que ce dernier, de loin le plus
important, le plus dynamique demeure insoupçonné et qu’il faut le
porter à la lumière » (Sansot et Leroux,
1985, p42). Dans cette présentation, nous nous intéressons uniquement à
l’interprétation de leur projet professionnel.

 

Dans un deuxième temps,
nous avons travaillé avec notre deuxième groupe: les professionnels du
milieu sportif, pour évaluer l’image des STAPS sur le marché du
travail [6]. Si aujourd’hui, dans les pays développés, le poids
économique du sport se situe entre 0,5% et 2% de l’économie
nationale (Wladimir et Nys, 1996), et que les
secteurs d’activité économique du sport sont régulièrement
qualifiés de porteurs en terme d’emploi, pour autant les travaux de
recherche sur l’emploi sportif sont rares et très récents. Leur
première préoccupation fut de définir le champ de l’emploi sportif
et ses secteurs d’activité (Camy et Le
Roux, 2002). Les auteurs distinguent deux types d’activités pour
répertorier les activités liées au sport. L’activité économique du
« secteur sport » qui regroupe les activités en relation directe
avec la pratique sportive (encadrement et gestion de la pratique), et,
les activités en « amont » (construction d’équipement,
fabrication et distribution d’articles de sport…) et en
« aval » (médecine sportive, journalismes sportif…) de
cette première, qui sont les activités en relation avec le sport, appelée
« filière sport ». Nos étudiants devaient réaliser une interview,
en fonction de leur projet professionnel, avec un professionnel pressenti
en tant qu’employeur potentiel. Ce professionnel pouvait appartenir
aussi bien au « secteur sport » qu’à la « filière
sport ». En TD (Travaux dirigés), nous avons élaboré un guide
d’entretien commun afin de pouvoir rassembler et comparer les
résultats des entretiens semi-directifs. Lors de séances de travail collectives, nous avons
travaillé avec les étudiants l’art de l’entretien et la
manière de poser les questions afin qu’elles paraissent les plus
ouvertes possibles et que les informations verbales délivrées par les
professionnels soient structurées par eux-mêmes et non par les étudiants
(
Simonot, 1979).

 

Cette
méthode est originale dans le sens où les étudiants avaient un double
rôle d’objets et d’acteurs de recherche, ce qui a produit un
fort investissement de leur part dans ce travail. Par ailleurs, ce
travail avait pour eux une rentabilité « sociale » immédiate: ils
pouvaient rencontrer un futur employeur et prendre contact avec le milieu
professionnel rêvé ou espéré.

 

 

 

 

4 
Résultats

 

4.1. Le
professorat d’
EPS reste
considéré comme le débouché « naturel » de la filière tant chez
les étudiants que chez les professionnels

 

90% des étudiants ont un
souhait professionnel qui, à 70% reste le professorat d’EPS. Les autres veulent « travailler dans le
Management du sport
 » ou être « organisateurs
d’événements sportifs
« . Ces projets sont chargés de rêves
prometteurs, mais leur énumération et leur définition restent vagues et
floues. Ces étudiants se plaignent de ne pas être assez informés sur les
débouchés autres que le professorat d’EPS,
ils trouvent également que leur formation en DEUG est en grande partie
tournée vers l’enseignement, et ils disent eux-mêmes qu’ils
souhaitent devenir professeur d’EPS
« ne sachant pas quoi faire d’autre« : par défaut.

 

Parmi les professionnels
interviewés, 91% pensent que la filière STAPS mène au professorat
d’EPS et 28% ne connaissent que ce
débouché. Les autres citent un panel de débouchés assez étendu,
commençant par les professions en relation avec l’enseignement et
la pédagogie (éducateur sportif, animateur…) mais aussi les
professions en relation avec l’administration, l’encadrement
et l’organisation du sport (organisateur d’événement sportif,
dirigeant de club…).

 

Même si pour les
professionnels du sport, le professorat d’EPS
reste l’incontournable débouché, ils connaissent assez bien un
ensemble d’autres débouchés, et, à la limite mieux que les
étudiants STAPS eux-mêmes.

 

Que ce soit pour les
étudiants ou pour les professionnels interviewés, le principal débouché
cité reste le professorat d’EPS.

 

Le noyau dur de la
représentation sociale de la filière STAPS est le professorat d’EPS. Nous vérifions ici la stabilité d’une
représentation (Moscovici, 1961): depuis le début des années 90 le
professorat n’est plus le principal débouché de la filière mais 10
ans après il reste le débouché symbolique.

 

4.2. L’imprégnation
d’une « culture » de déclassement chez les étudiants

 

Lorsque nous écoutons les
étudiants s’exprimer sur leur filière, il apparaît à travers leurs
formulations un sentiment de « déclassement » ou un complexe
d’infériorité: « les gens pensent qu’on est des
touristes! qu’on fait que du sport, que nos études sont
faciles…un
professionnel du Management du sport préférera prendre quelqu’un
qui sort d’une école de commerce ou d’un BTS qu’un
STAPS…
 » En résumé, la plupart de ces étudiants pensent que
« les gens » ont une mauvaise image d’eux et de la filière
STAPS.

 

En comptabilisant les
hypothèses formulées par les étudiants, elles sont à plus de 65%
négatives. Les étudiants pensent que: « La filière STAPS est peu
connue des professionnels: au niveau des matières enseignées ou des
débouchés.
«  et qu’ils auraient « une
mauvaise image auprès des futurs employeurs
« , car les
professionnels auraient « des préjugés négatifs sur la
filière et sur les étudiants.
«  Les étudiants ajoutent
encore: « Les professionnels pensent que:

·       
Les étudiants STAPS ne sont
pas sérieux à la fois pendant leurs études et dans leur emploi.

·       
Il n’y a que du sport
enseigné dans la filière STAPS, les matières théoriques passant au second
plan ou n’étant même pas connues.

·       
Les étudiants choisissent
cette filière par défaut ou pour « glander ».

·       
Il y a trop
d’étudiants dans cette filière.

·       
Les professionnels
préfèrent embaucher une personne diplômée d’un Brevet d’Etat
plutôt qu’un diplômé en STAPS. » etc.

 

Les étudiants sont
persuadés que les professionnels méconnaissent leur filière, qu’ils
la voient comme une « sous-filière
universitaire » non professionnalisante.
Les étudiants craignent et pensent être assimilés à l’adage
populaire « les sportifs ont tout dans les muscles et rien dans la
tête » bien qu’ils évoluent dans le système éducatif français
depuis plus de quinze ans, et qu’ils ont pratiqué l’EPS pendant tout leur cursus….

 

Ces assertions sont
d’autant plus étonnantes que les étudiants se sont inscrits
librement dans une filière universitaire (très typée) dont ils sont
persuadés qu’elle ne les mènera nulle part hormis au professorat
d’EPS, que certains envisagent par
défaut! Mais nous ne pouvons interpréter ici totalement la posture, à
priori, paradoxale de ces étudiants. Ce sentiment de déclassement
apparaît non seulement dans leurs hypothèses mais également dans leurs
choix des professionnels qu’ils interviewent.

 

Pour réaliser leur
entretien, les étudiants étaient libres de choisir un employeur en
fonction de leur projet professionnel [7], le seul critère étant: une
personne qu’ils estimaient être un employeur potentiel
d’étudiants en STAPS.

 

Les étudiants se sont
orientés vers les domaines d’activités les plus connus et les plus
classiques. 35% ont interviewé un président ou dirigeant de club sportif,
28% ont interviewé des responsables de service des sports de mairie,
enfin très peu ont osé sortir du domaine de l’enseignement. Seuls
15% ont interviewé des directeurs de magasin de sport ou des gérants de
salle de remise en forme. Aucun n’a osé aller à la rencontre ou n’a
trouvé un professionnel travaillant dans l’événementiel sportif,
dans le marketing sportif, dans le management sportif ou un agent de
joueur. Les étudiants n’ont pas été rencontrer les professionnels
qui les font rêver [8], ils se sont contentés d’aller à la
rencontre des professionnels pouvant les embaucher en tant
qu’éducateur ou entraîneur, des emplois de substitution au
professorat d’EPS… des emplois
qu’ils n’ont presque pas cités dans leur projet
professionnel. Trois interprétations peuvent expliquer ces choix: la première
fait appel à la théorie du « moindre effort », certains
étudiants, contraints de réaliser un entretien, vont au plus près de chez
eux, ou au plus facile avec la certitude de ne pas essuyer de refus. Ils
interrogent par exemple le directeur du club dans lequel ils
s’entraînent, quand bien même ils ne se destinent ni ne
s’imaginent travailler en club sportif. La deuxième interprétation
peut être due au flou de leur projet professionnel. Ils aimeraient être
agent de joueur ou responsable événementiel, mais ils ne savent
absolument pas comment on peut y parvenir et quelles personnes pourraient
les renseigner, alors ils se retournent vers des emplois plus classiques
ou plus connus. La troisième interprétation identifierait un comportement
d’auto-limitation, fondé sur
l’analyse de leurs hypothèses: les étudiants sont tellement
persuadés que les « gens » ou les professionnels ont une mauvaise
image d’eux et de leur filière, qu’ils pensent que certains
professionnels préfèreront toujours embaucher quelqu’un
d’autre, plutôt qu’un diplômé en STAPS (un Brevet
d’Etat plutôt qu’un diplômé en STAPS, etc.), alors ils ne
veulent pas aller les interviewer pour se l’entendre dire et
préfèrent choisir des professionnels qui d’après eux seront moins
exigeants et donc plus positifs envers les étudiants STAPS et leur
filière.

 

4.3. Une
image très positive de la filière STAPS chez les professionnels

 

Parmi les professionnels
interviewés, 88% ont déjà entendu parler des STAPS, ils savent au minimum
que c’est une formation en rapport avec le sport, en revanche
seulement 46% connaissent la signification de l’acronyme STAPS.

 

La connaissance de la
filière semble assez bonne puisque presque la moitié des professionnels
interviewés (42%) connaissent l’essentiel des enseignements de la
filière STAPS: ils savent qu’en plus d’une pratique sportive
soutenue, il y a de l’anatomie, de la physiologie, mais aussi de la
psychologie, de l’histoire et, parfois, ils citent la sociologie.
Seuls, 23% des employeurs potentiels ne connaissent absolument rien des
enseignements théoriques en STAPS, et moins d’un quart pensent que
les étudiants STAPS ne font que de sport.

 

Les préjugés négatifs des
étudiants sur la méconnaissance de leur filière semblent donc plus
sévères que la réalité…

 

L’image de la filière
STAPS auprès des professionnels interviewés s’avère très positive:
86% des professionnels ont globalement une image positive des STAPS, de
la formation STAPS (sérieuse, polyvalente, difficulté d’allier
une pratique sportive intensive et des études intellectuelles poussées
),
des étudiants STAPS (dynamiques, volontaires, entreprenants, ayant un
esprit d’équipe
). Les autres, 14%, n’ont pas une image
négative des STAPS, ils ne connaissent tout simplement pas la filière.
Seulement 2 professionnels (sur 57) ont une image négative des études
STAPS et de leurs étudiants.

 

4.3.1. Une image positive

 

La présidente d’un
club de gymnastique explique: « l’intérêt d’embaucher
des STAPS, c’est qu’ils vont apporter une dynamique dans un
club, au niveau de l’organisation, de la cohésion de
l’équipe…
« 

 

Le président du club
d’athlétisme, salarié à IKEA, où beaucoup d’étudiants
travaillent à temps partiels dont des étudiants STAPS, affirme: « Ça
donne un dynamisme à l’entreprise parce que généralement quand vous
embauchez des sportifs, ils ont beaucoup plus de rigueur, ils ont
beaucoup plus le goût du travail, ils ont une certaine fierté dans la
qualité du travail, dans le savoir-faire que n’ont pas
d’autres personnes
« .

 

Ce président de club qui a
suivi une formation commerciale et a déjà embauché des étudiants STAPS,
trouve qu’ils sont complémentaires aux BEES (Brevet d’état
d’éducateur sportif). Les seconds sont destinés à un public
d’athlètes confirmés et les étudiants STAPS à entraîner des enfants
dans une optique de loisir et de divertissement, car « pour
lui », une des grandes qualités des STAPS « c’est leur
capacité d’adaptation très rapide
« .

 

Cependant cet avis
n’est pas univoque, pour la responsable de l’animation
sportive d’une municipalité, (titulaire d’un BEES et qui a
passé le concours d’éducateur territorial des APS)

 

 ayant déjà embauché des STAPS il sont de
« Joyeux fêtards…Je pense qu’il y a un souci à
l’heure actuelle au niveau de cette filière parce qu’il y a
quelques années il y avait un contrôle d’accès, retiré parce
qu’on a dit que c’était illégal. Malheureusement, le problème
c’est qu’il y a énormément de jeunes qui entrent en STAPS en
se disant: moi j’aime le sport. Et on ne fait pas que du sport en
STAPS!
« 

 

Mais cette responsable est quand
même satisfaite des étudiants STAPS qu’elle embauche.

 

Plus de la moitié des
professionnels interviewés ont déjà embauché des STAPS et 86% seraient
prêts à en embaucher s’ils en avaient les moyens (financiers,
réglementaires, politiques…), ce qui est très positif pour la
filière.

 

En ce qui concerne le choix
entre un diplômé STAPS et une personne de formation différente (BEES,
commercial…), seuls 32% des personnes interviewées préfèrent
embaucher un BEES ou un diplômé d’une école de commerce, à un diplômé
issu des STAPS.

 

4.3.2. Les qualités d’un étudiant STAPS par
rapport à un BEES ou un autre diplômé

 

Ils sont
plus polyvalents:

 

La directrice de
l’école des sports d’une municipalité, ayant une licence
STAPS répond: « Oui, je prends des STAPS, je les recherche pour
l’école de sport… Il ne me faut pas des gens trop spécifiques, il
ne me faut pas des brevets d’Etat. Je préfère prendre des STAPS,
d’une part parce que ça leur fait une expérience sur le terrain et
d’autre part parce qu’ils sont plus polyvalents, et en
général mieux formés pour assurer les différentes disciplines.
« 

 

Ils ont
de meilleures méthodes pédagogiques:

 

Le président d’un
club de judo nous expose les qualités d’un étudiant STAPS par
rapport à un BEES: « J’ai déjà travaillé avec des gens
diplômés d’Etat mais qui n’étaient pas issus de la filière
STAPS, et avec des STAPS, et bien dans la méthode pédagogique ça
n’a rien à voir. Il y a une grosse différence, les STAPS tiennent
beaucoup plus compte de l’enfant et de son développement.
« 

 

Ils
savent travailler en groupe ou en équipe:

 

Le directeur des
équipements sportifs d’une municipalité, titulaire du diplôme
d’éducateur territorial, répond à la question de savoir s’il
préfèrerait embaucher un diplômé STAPS option Management du sport ou un
autre diplômé en management: « A diplôme équivalent, ça va
dépendre de leur façon de gérer l’entretien que l’on va leur
faire passer. Sinon, il est vrai que le diplômé STAPS part avec des
avantages, vu que sa formation a été effectuée avec le milieu sportif et
que l’emploi est lié à celui–ci. Je pense, de la même façon,
que ces étudiants STAPS ont une mentalité totalement différente des
autres étudiants qui ont pu faire des études dans le management, qui
n’ont pas forcément évolué au cœur du milieu sportif, en effet
il est bien connu que le sport développe un bon nombre de qualités,
notamment au niveau collectif et individuel, au sein d’un groupe ou
d’une équipe.
« 

 

Ils sont
passionnés:

 

Un directeur d’un
magasin Décathlon explique: « A Décathlon, on a pour habitude
d’aimer les gens passionnés, je pense qu’un étudiant qui
vient de STAPS est plus motivé, a plus de passions, de choses à partager
qu’un étudiant qui a fait une école de commerce.
« 

 

4.3.3. Alors, pourquoi embaucher un BEES plutôt
qu’un STAPS?

 

Parce
que certains professionnels ne connaissent pas les équivalences entre les
diplômes STAPS et les diplômes du ministère de la Jeunesse et des Sports:

 

Le responsable du service
des sports d’une municipalité répond: « Pour un poste sur le
terrain, on privilégiera un diplômé d’Etat parce que pour organiser
nos
activités, la DDJS (Direction départementale de la
jeunesse et des sports) nous demande d’avoir ceux-ci. Si le
problème se posait maintenant, j’appellerais peut-être la DDJS pour
en savoir plus et je me renseignerais avant de faire un choix sur la
personne, je ne vais pas regarder que son diplôme, je vais voir aussi
plein d’autres choses…
« 

 

Le responsable de
l’encadrement sportif dans un centre de vacances en Corse,
n’ayant aucune formation professionnelle, hormis un BNSSA (Brevet
national de sécurité et de sauvetage aquatique) répond à la question de
savoir s’il préfèrerait embaucher un STAPS plutôt qu’un BEES:
« Si j’avais le choix, je pense que je choisirais un Brevet
d’Etat. Enfin pour être sûr de ses capacités, alors qu’un
étudiant en STAPS, en fait, j’ai jamais eu vraiment beaucoup
d’écho de cette filière donc euh…
 » Ce professionnel
ne semble simplement pas connaître la filière STAPS.

 

Ou,
parce que dans certains cas, la loi l’oblige:

 

L’entraîneur et
dirigeant d’un club de judo embauche des STAPS, et possède lui-même
une licence STAPS, mais nous explique pourquoi il préfère embaucher des
BEES: « …au sein du club on favoriserait plutôt
quelqu’un qui est diplômé d’Etat… qu’un étudiant
en STAPS. Je pense que quelqu’un qui est en STAPS, qui est
spécialiste judo et qui a fait 15 ans de judo est tout
à fait apte
à enseigner le judo en milieu associatif, même s’il n’est pas
Brevet d’Etat. Cela dit au niveau des responsabilités il faut
qu’il ait son Brevet d’Etat.
« 

 

4.3.4. Certains professionnels ont d’autres
critères de sélection

 

C’est
le feeling à l’entretien qui compte:

 

La présidente d’un
club de volley, formée en gestion, répond : « qu’il
soit en STAPS ou qu’il soit BEES, c’est surtout de voir ses
capacités, de savoir tout de suite si cette personne a des possibilités
de progression et puis c’est aussi le feeling qu’on a avec la
personne à l’entretien.
« 

 

C’est
la motivation et le sens des responsabilités qui importent:

 

La directrice d’un centre
aéré, puéricultrice diplômée explique que lorsqu’elle embauche un
animateur elle regarde essentiellement sa motivation et son sens des
responsabilités, ce sont des critères qu’elle juge plus importants
que la formation. Elle a déjà embauché des STAPS, non parce qu’ils
venaient de cette filière, mais parce qu’ils lui paraissaient
réellement responsables et motivés.

 

Dans
certains cas, ce n’est ni la formation professionnelle, ni le feeling
ou le dynamisme à l’entretien d’embauche qui comptent mais
les relations personnelles:

 

Le kinésithérapeute du
staff technique de LOSC
(Lille), club de football
professionnel, explique « pour intégrer une équipe-pro,
c’est assez long, cela n’arrive pas du jour au lendemain
« ,
il explique à l’étudiant « vous disposez de tous
les atouts, vous avez toutes les cartes en main. Mais il faudra suivre
une formation plus poussée à la sortie du STAPS c’est certain. Et
puis après c’est la chance et surtout les relations qui entrent en
compte.
« 

 

4.3.5. Pour la fonction publique, il faut repasser des
concours pour être titulaire

 

Le responsable du service
des sports d’une municipalité explique « ça ne me
dérangerait pas d’embaucher des étudiants STAPS pour des vacations,
simplement la politique sportive de la ville de B. fait qu’on embauche
des éducateurs titulaires du concours des ETAPS
(Educateurs
territoriaux des activités physiques et sportives), sachant
qu’il peut y avoir bien évidemment des gens qui viennent des STAPS
qui ont passé ce concours. Il peut y avoir des gens qui viennent de la
filière brevet d’Etat. Il peut y avoir des gens de la filière
management, IUP métiers de la vie et du sport. Donc, il faut qu’ils
aient ce concours d’ETAPS pour
qu’on les embauche chez nous.
« 

 

La
réussite à ces concours crée des jalousies:

 

Un directeur des sports
d’une municipalité
, ayant un BEES comme formation
et le grade d’éducateur territorial des APS (Activités physiques et
sportives), obtenu grâce à l’ancienneté, explique que la filière
STAPS « est trop facile d’accès«  qu’ »il
y a beaucoup de déchets
«  et que « ceux qui
échouent finissent éducateurs des activités physiques et sportives.
« 

 

Quand on analyse les propos
de ce directeur sur la filière STAPS, on sent qu’il éprouve une
certaine jalousie à l’égard des étudiants de la filière STAPS, qui réussissent
davantage le concours d’éducateur territorial des APS que les BEES
« tu regardes le concours des APS, ceux qui le réussissent, les
trois quarts sont STAPS.
« 

 

Aveugle au paradoxe, ce
directeur explique qu’avant, avec le concours d’entrée, tous les
étudiants réussissaient à devenir professeur d’EPS.
Maintenant, ceux qui n’y arrivent pas (« Les déchets« )
viennent passer les concours des collectivités territoriales et bloquent
ainsi l’évolution de carrière des employés des collectivités
territoriales.

 

L’intérêt de ces
résultats n’est pas dans la justesse de ces appréciations mais ils
permettent de porter un éclairage sur la construction de ces croyances.
Nous pouvons ainsi dresser une typologie des croyances et des
représentations. En effet, nous avons vu dans notre cadre théorique que
le propre des représentations est (…) d’appartenir à tout un
groupe (Moscovici, 1961).On constate qu’apparaissent ici :

·       
Les croyances dans les
vertus et les valeurs intrinsèques du sport (goût de l’effort,
esprit d’équipe, etc.).

·       
Les croyances dans les
vertus des formations – soit en faveur de la filière STAPS
(formations théoriques, polyvalentes, pluridisciplinaires) – soit
en faveur de la filière du ministère des Sports (spécialisées, reconnues
juridiquement, etc.).

·       
Les croyances dans le
pouvoir d’une formation à transmettre des valeurs (motivation,
passion, sens des responsabilités…).

·       
Les croyances dans
l’intérêt d’embaucher des employés qui ressemblent à
l’employeur (proximité sociale, ressemblance de trajectoires scolaires…)
pour espérer des relations professionnelles plus rapidement efficaces et
limiter les conflits et d’éventuelles concurrences.

 

Chaque professionnel a
élaboré son image des STAPS en fonction de ces différentes croyances sur le
sport, les filières de formation, ses intérêts d’employeurs, etc.

 

4.3.6. Les caractéristiques des professionnels qui ont
déjà embauché des diplômés en STAPS

 

Quel
secteur embauche des étudiants STAPS?

 

Lorsque nous analysons le
secteur d’activité des professionnels ayant déjà embauché des
diplômés STAPS, nous voyons que 70% de ces professionnels travaillent
dans le secteur public pour 54% seulement des professionnels du secteur
privé.

 

Si le secteur public semble
embaucher davantage; au sein du secteur privé, ce sont les clubs et les
associations sportives qui sont les employeurs les plus fréquents, on
retrouve une nouvelle fois une sur représentation du domaine de
l’enseignement et de la pédagogie.

 

Un ancien directeur des
sports d’une municipalité, diplômé en STAPS, déclare que les
collectivités locales viennent « piocher » des STAPS:
« …ce sont des filières dans lesquelles les collectivités
locales vont piocher énormément. De tous les directeurs des sports que je
connais, allez, on va dire 70% des moins de 40 ans viennent de la filière
STAPS.
« 

 

Les
caractéristiques signalétiques des employeurs réels:

 

Le sexe et l’âge des
professionnels ne semblent pas influencer leur comportement vis-à-vis de
l’embauche. La répartition des âges des employeurs réels est sensiblement
la même que pour l’ensemble des personnes interviewées : ils
se situent tous entre 30 et 50 ans, ce qui correspond à la fourchette
d’âge dans laquelle on occupe les postes à pouvoir de décision.
Quand on s’intéresse au niveau et au type d’études des
employeurs réels, ils semblent plus diplômés que l’ensemble des
personnes interviewées, 62% ont fait des études supérieures contre 56%
pour l’échantillon total. Les professionnels qui embauchent le plus
de STAPS, sont issus de filières sportives ou commerciales. Pour les
caractéristiques sportives, ce sont les professionnels qui ont reçu une
formation sportive qui embauchent le plus: 90% des employeurs issus de la
filière STAPS embauchent des STAPS, 100% des anciens sportifs de haut
niveau embauchent des STAPS et 75% des titulaires d’un BEES
embauchent des STAPS. A l’inverse, seulement 47% des personnes sans
aucune formation sportive embauchent des STAPS. On assiste là, à une
sorte de parrainage ou d’esprit de cooptation de la part des
anciens STAPS ou des sportifs.

 

Un
sentiment de parrainage:

 

Le directeur d’un
Décathlon explique: « Je ne vais forcément pas être objectif parce
que j’en viens, aujourd’hui moi effectivement j’ai un
avis très favorable sur quelqu’un qui vient du cursus STAPS.
… j’en viens, donc je sais exactement ce que la personne a
suivi comme formation et puis en tant qu’ancien étudiant,
c’est vrai qu’on trouve ça sympa, … mais il
s’avère que j’ai rarement été déçu.
« 

 

Le mouton noir des STAPS,
malgré lui:

 

La seule personne
interviewée diplômée en STAPS qui n’a jamais embauché de diplômé en
STAPS est le directeur de l’INF (Institut
national de Football) à Clairefontaine, il
explique que pour l’embauche « c’est la fédération qui
décide ou la direction technique et ils prennent des gens confirmés
 » ;
par contre, ils reçoivent des stagiaires qui observent les entraînements.
Il embauche quand même des STAPS, mais à des postes de surveillants:
« les seules personnes que l’on emploie et qu’on peut
employer en dehors du monde fédéral ce sont les surveillants.
 »
Ils choisissent des STAPS parce que « ce sont des gens qui font du
sport, qui savent ce que c’est que le sport et qui sont à même de
mieux comprendre les états d’âme des jeunes qui sont là.
« 

 

Leurs
images des STAPS liées à l’appréciation des étudiants
:

 

94% des professionnels
ayant déjà embauché des STAPS ont une image positive de la filière, de
ses débouchés et de ses étudiants. Seuls deux professionnels n’ont
pas vraiment d’idée sur les STAPS, mais ils n’ont pas non
plus une image négative des STAPS.

 

L’image des STAPS
qu’ont les employeurs provient moins de la connaissance
qu’ils ont de la filière STAPS (formation, débouchés…) que
des étudiants STAPS qu’ils rencontrent. Quand les étudiants ont
demandé aux employeurs ce qu’ils pensaient de la filière STAPS, ils
répondaient presque systématiquement en parlant des étudiants et de leurs
qualités relationnelles. Les employeurs appliquent à l’ensemble de
la filière, l’image que renvoient les étudiants STAPS. Ce qui apparaît
logique: on juge souvent un secteur par la qualité de ses
produits…et les étudiants STAPS apparaissent comme les bons
« produits » de la filière STAPS. Les étudiants STAPS sont perçus
comme dynamiques: « c’est des gens qui ont l’habitude
de la gestion des groupes, qui sont dynamiques, qui proposent plein
d’activités, qui connaissent plein de choses, c’est vrai que
c’est pas des gens introvertis, qui restent dans leur coin
« (La
responsable des ressources humaines d’une clinique psychiatrique),
intéressants: « …le contact avec des étudiants STAPS me
permet de me remettre à niveau et d’apprendre beaucoup de choses.
… je n’ai qu’un vécu de Handball sans diplôme et je
n’ai aucune honte à apprendre d’eux.
«  (un
président de club), avec de grandes qualités d’adaptation: « face
à un public socialement défavorisé, ils savent tchatcher, être
sociable, de temps en temps éducateur, de temps en temps sportif…
« 

 

5  Conclusion

 

Nous nous apercevons que
les préjugés des étudiants STAPS n’étaient pas fondés et plutôt
« paranoïaques ». En effet, les professionnels du milieu sportif,
qui seraient susceptibles d’embaucher des personnes issues de la
filière STAPS, ont une opinion positive de la filière. D’ailleurs,
plus de la moitié d’entre eux ont déjà embauché des personnes
formées en STAPS et 86% seraient prêts à en embaucher d’autres
s’ils en avaient les moyens.

 

Ils ont une connaissance
assez approfondie de la formation STAPS: presque la moitié d’entre
eux sont capables de citer l’ensemble des matières enseignées en
STAPS. Quant aux débouchés de la filière, ils sont comme les étudiants,
ils pensent spontanément au professorat d’EPS,
après quoi ils en citent quelques autres tels: éducateurs sportifs ou
entraîneurs. Leurs connaissances sur les débouchés ne sont pas plus
mauvaises que celles des étudiants STAPS.

 

Lorsqu’on essaie de
caractériser les employeurs réels par rapport à l’ensemble des
personnes interviewées, on s’aperçoit que la tendance à embaucher
des étudiants STAPS est liée davantage à la formation des employeurs
qu’à leur connaissance approfondie de la filière.

 

La formation
professionnelle des employeurs paraît déterminante. Les personnes
interviewées qui ont eu une formation sportive sont 90% à avoir embauché
des personnes issues de la filière STAPS, alors que les autres ne sont
que 47%. On pourrait y voir un esprit de corporatisme propre aux
personnes formées dans le milieu sportif, et un sentiment encore plus
présent chez les STAPS qui se cooptent pour les postes.

 

En revanche, la
connaissance approfondie de la filière STAPS, mis à part pour ceux qui en
sont issus, n’est pas plus élevée chez ceux qui embauchent que chez
les autres. Les professionnels interviewés ont une très bonne image des
STAPS, malgré une connaissance superficielle de la filière. Ils jugent
cette filière en fonction de l’image que les étudiants rencontrés
leur renvoient. Comme ils trouvent les étudiants STAPS dynamiques, avec
de grandes qualités relationnelles et d’adaptation, et pouvant
favoriser de manière très positive un travail en équipe, ils ont alors une
image positive de la filière STAPS.

 

C’est (aux étudiants)
STAPS, que revient le rôle d’informer et de faire découvrir leur
filière par un esprit d’initiative, en allant informer leurs futurs
employeurs sur leur filière et sur les équivalences de leurs diplômes. En
effet, si les professionnels ont une opinion très positive des STAPS,
mieux informés, ils pourront accompagner leurs idées de faits et
embaucher davantage de personnes issues de la filière STAPS.

 

La filière STAPS dans sa
forme moderne nous apparaît hantée par de vieux démons: une culture de
déclassement entretient chez les étudiants un doute à priori sur la
valeur et la reconnaissance professionnelle des savoirs qu’ils
acquièrent au cours de leur formation.

 

Le sur-investissement
symbolique et professionnel du professorat apparaît alors, comme une
survivance d’autant plus résistante que va croissante la difficulté
arithmétique de réussir le concours du CAPEPS. Pourtant, nous pouvons
penser que, dans un avenir proche, qui correspond à la durée nécessaire à
une génération de diplômés, pour faire sa place dans le monde du travail,
un feed-back positif viendra du secteur privé, qui confirmera la
légitimité et la lisibilité d’une filière, qui n’est déjà
plus uniquement professionnalisante. Pour autant
à ce jour, cette filière n’est pas encore perçue comme
définitivement universitaire parce « qu’en cours
d’installation » dans la société et dans le vaste secteur privé
du travail. A terme, on peut penser que le rapprochement des
représentations des acteurs de la filière avec les attentes du monde du
travail offrira aux STAPS une cohérence et légitimité qui lui manquent
encore.

 

Références
bibliographiques:

 

Abric,
Jean-Claude. Pratiques sociales et représentations. Paris :
Presses universitaires de France, 1994, 251 pages.

 

Durkheim, Emile.
« Représentation et représentation collective », Revue de
métaphysique et de morale
, no.6, 1898, p.273-302.

 

Camy, Jean,
Le Roux, Nathalie (dir.). L’emploi sportif en France: situation
et tendances d’évolution.
Etude réalisée par le RUNOPES pour le
MEN (ministère de l’Education nationale). Géménos,
Co-Edition AFRAPS-RUNOPES, 2002, 423 pages.

 

Giret,
Emilie. Les effets de la massification de la filière STAPS sur le recrutement
des étudiants, sur leur réussite universitaire et sur leur devenir
professionnel. Suivi sociologique de quatre cohortes d’étudiants de
1986 à 2000.
Thèse de doctorat non publiée, Université Paris XI,
Orsay, 2004, tome I, 380 pages.

 

Giret, Emilie,
Lefèvre, Brice et Michot, Thierry. (à
paraître). « Les effets de la massification de la filière STAPS sur
le recrutement des étudiants et sur leur réussite universitaire ». Science
et Motricité

 

Jodelet, Denise
(dir.). Les représentations sociales. Paris : Presses
universitaires de France, 1994, 447 pages.

 

Michon,
Bernard. « Eléments pour une histoire sociale des enseignants en
éducation physique et sportive ». STAPS, no.8, 1983, p.12-28.

 

Michon,
Bernard. « Esquisse d’une histoire sociale de la formation des
enseignants en EPS ». Education physique et sport en France
1920-1980
. AFRAPS, 1995, p.199-211.

 

Moscovici, Serge. La
psychanalyse, son image, son public.
Paris : Presses
universitaires de France, 1961, 651 pages.

 

Sansot,
Pierre, Leroux, Henri. « La pensée interprétative ». In M.
Guillaume (Ed), L’état des sciences sociales en France, p.
39-42. Paris: La Découverte, 1985.

 

Seners,
Patrick. « La formation des enseignants ». In L’EPS, son
histoire, sa genèse
. Paris : Vigot,
1999, p.259-278.

 

Simonot,
Michel. « Entretien non-directif, non-structuré:
pour une validation méthodologique et une formalisation
pédagogique ». Bulletin de psychologie, no.343, tome 33
(fasc.1-3), 1979, p.155-164.

 

Wladimir, Andreff et Nys,
Jean-François. Economie du sport. Paris : Presses universitaires
de France, Que-sais-je?, 1996, 128 pages.

 

Ministère de
l’Education nationale. « Les sciences et techniques des
activités physiques et sportives (STAPS) ». Note
d’information
, Paris, août 2001, 6 pages.

 

Ministère de
l’Education nationale. « Premières estimations de la
rentrée 2003 dans l’enseignement supérieur ». Note
d’information
, Paris, décembre 2003, 4 pages.

 

Ministère de
l’Education nationale (1984-2004). Repères et références
statistiques
. Paris, Edition 1984, 1985, 2003.

 

Notes:

 

[1]: Centre
d’information et d’orientation (600 centres dépendant du
ministère de l’Education nationale)

 

[2]: En 1979-1980 il y
avait 7420 étudiants inscrits en STAPS, en 2003-2004 il y en a 48500. Ces
chiffres viennent des repères et références statistiques et des notes
d’information (publication de l’EN) des années concernées.

 

[3]: Filière universitaire
en Administration, économie et gestion

 

[4]: Historiquement le
professorat d’EPS est resté,
jusqu’au début des années 90, le principal débouché professionnel
de la filière STAPS. Mais le nombre de postes au CAPEPS n’ayant pas
augmenté dans les mêmes proportions que celui du nombre des étudiants de
la filière, le pourcentage de chance d’obtenir le CAPEPS a
fortement diminué. 1979-80= 480 postes, en 2003 1330 postes. (X 2, 7). En
2004 = 780 postes (X 1, 6) les effectifs ont eux été multipliés par 6, 5.
D’après les syndicats (SNEP, SNESUP), l’EN annoncerait 350
postes pour les années 2005 et 2006.

En 1991-92, 41% des
présents aux concours du CAPEPS ont été admis alors qu’en
2002-2003, ce taux est tombé à 18%.

 

[5]: Etudiants en deuxième
année de DEUG STAPS de l’université d’Evry Val
d’Essonne

 

[6]: Nous avions
délibérément écarté du choix la possibilité d’interviewer des
professionnels de l’Education nationale car on ne peut pas les
qualifier de potentiels employeurs. En effet, pour travailler comme
professeur d’EPS à l’Education
Nationale, il faut réussir le concours du CAPEPS.

 

[7]: Tous ceux qui
souhaitaient devenir professeur d’EPS
devaient trouver un second projet professionnel.

 

[8] : Les étudiants
étaient placés en condition réelle de recherche d’emploi :
sans soutien, ni recommandation de la part de l’enseignant.

 

Notice bibliographique

 

Giret, Emilie, Michot, Thierry.  » Les étudiants en STAPS face à
leurs employeurs – Etude comparée des représentations portées sur la
filière STAPS par des étudiants en STAPS et leurs employeurs potentiels
« , Esprit critique, Hiver 2006
– Vol.08, No.01, ISSN 1705-1045, consulté sur Internet: http://www.espritcritique.fr

 

 

 

 

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Revue internationale de sociologie et de sciences
sociales Esprit
critique

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